Par Jean-Louis Prunier, pasteur, vice-président de la SHPT

La première, donnée par Philippe Joutard, sur « Les mémoires orales sont-elles encore aujourd’hui une source pour l’histoire du protestantisme méridional » et la seconde, de Patrick Cabanel, portait sur « Les juifs dans les montagnes protestantes (années 1940), archives écrites de la répression, mémoire orale du sauvetage ». 

La Société d’Histoire du Protestantisme Tarnais (SHPT) n’a pas encore deux ans et déjà plus de cent membres. Pour la rédaction de son « Bulletin », elle a besoin d’une méthodologie historiographique adaptée à ses buts et à ses moyens. C’est pourquoi nous avons demandé à deux historiens renommés, Philippe Joutard et Patrick Cabanel, de venir nous expliquer ce qu’ils entendent par l’utilisation en histoire de la tradition orale, avec des exemples tirés de leurs propres recherches.

Améliorer le vivre-ensemble 

Jean-Louis Prunier, pasteur et vice-président de la SHPT, a rappelé les orientations fondamentales de la Société. En conclusion, il a dit : « Nous espérons que ce travail laïc permettra de mieux faire connaître le protestantisme, dans son histoire locale, à ceux qui ne le connaissent pas encore ou à ceux qui ne le connaissent plus très bien. Nous faisons ainsi œuvre de lien, d’ouverture, de réconciliation, bref nous participons à l’œuvre commune d’amélioration des conditions du vivre ensemble. »

Complément nécessaire

Philippe Joutard, professeur émérite agrégé d’histoire, a ensuite lancé le débat : « Notre société du 21e siècle n’a pas de mémoire. » L’appel à l’histoire transmise par l’oralité est un complément indispensable à l’utilisation des sources écrites, mais ne peut être utilisée seule. Joutard a donné comme exemple l’étude du maquis de Vabre (Tarn), où l’inventaire des sources écrites a été très utilement complété par l’enquête orale effectuée auprès de témoins tels qu’Odile et Guy de Rouville. Pourtant cette tradition orale, si utile à l’historien, reste fragile : elle perd de sa fiabilité en remontant trop loin dans le temps, et les enquêtes récentes, consignées dans de petites notices introuvables, se perdent souvent. Patrick Cabanel est normalien, agrégé d’histoire, actuellement directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études de Paris. Il a continué la réflexion en partant d’une de ses recherches, l’accueil des juifs pendant les années sombres de la Seconde Guerre mondiale, particulièrement par les populations protestantes. Pour cette étude de ce qu’il nomme les « Terres de refuge », Cabanel cerne plusieurs axes de recherche : le tissu sociétal de « gens qui se taisent », l’importance des pasteurs, l’existence d’une « mémoire minoritaire », et « l’effet sur l’identité du peuple accueillant. » Ainsi, par exemple, le village du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, peu connu avant la guerre, est devenu célèbre parmi les « Justes » du Yad Vashem. Cabanel conclut : « Pour une histoire récente, il faut joindre l’oral à l’écrit. »

Recueillir la mémoire 

Notre SHPT est sortie de ces deux conférences, confortée dans ses méthodes et ses buts. Elle se propose d’organiser, dans la très protestante vallée du Thoré, une série de groupes de parole où les plus âgés pourront partager leurs souvenirs d’enfance, que nous enregistrerons. Cette enquête servira aux historiens qui s’intéressent, comme Patrick Cabanel, à la « Terre de refuge » tarnaise. La soirée s’est prolongée par quelques questions et quelques témoignages et toutes les personnes présentes ont eu le sentiment d’avoir passé un moment très enrichissant. Merci à nos deux conférenciers, aussi chaleureux et brillants l’un que l’autre.