En route pour rencontrer Odile, une notification Facebook rappelle au conducteur imprudent : c’est l’anniversaire de… Odile Godin. La cachottière avait omis de dire que le jour du rendez-vous était aussi celui de son anniversaire. Avec malice et un immense sourire, la table était prête et dressée pour fêter non pas un anniversaire, mais une rencontre avec Le Cep. Et il fallait bien un jour de fête pour rencontrer cette aventurière au cœur si généreux.

Le choc de la Roumanie

Mais rentrons dans le vif du sujet pour mieux comprendre ce qui porte Odile dans sa vie. Décembre 1989, alors qu’elle est soignée dans une clinique, sa voisine de chambre passe son temps devant l’écran de télé. Odile de son côté est plongée dans les livres. Rien d’étonnant pour cette professeur de français en collège. Tout d’un coup des images viennent interrompre sa lecture, celles d’enfants décharnés en Roumanie. Nous sommes au lendemain de la chute de la dictature.

Impossible pour Odile de rester inactive. Elle décide d’emporter ses élèves et même tout le collège dans un grand projet d’action éducative. Une collaboration avec les autres professeurs pour préparer une action autour et pour ces enfants. Odile parle d’eux avec une immense tendresse : « ces pauvres mômes ».

Le collège d’Aigues-Mortes, les Églises catholiques et protestantes du secteur, mais aussi de Lunel participent à une grande collecte.
1991 : c’est le départ pour un voyage humanitaire de huit jours pour apporter nourriture et outils éducatifs en Roumanie. « Arrivée dans le pays, je réalise soudain qu’après avoir vécu une dictature de la violence, j’allais imposer à mon tour une dictature humanitaire », confie-t-elle. Et là, elle découvre surtout deux sentiments qui l’interpellent : « dans le regard des personnes, il y a de la honte et de l’envie. » La honte, c’est celle de devoir vivre dans ces conditions ; l’envie, c’est celle de tout ce qui arrive dans ces convois humanitaires. Qu’à cela ne tienne, elle reste en Roumanie pour les aider là où ils sont.

Mais ce qu’elle découvre là-bas et la retient est au-delà de notre compréhension : c’est l’horreur de ces enfants abandonnés, livrés à eux-mêmes. Des enfants que le pouvoir utilise. Avec le soutien réciproque de la mafia et du gouvernement, ces enfants sont envoyés dans des réseaux de prostitution ou utilisés pour des dons d’organes.
Et Odile d’ajouter : « Cela a commencé sous la dictature et continue toujours et encore aujourd’hui. Cela se passe en Europe et on se tait. On les laisse mourir de faim, mourir d’amour. Les mômes, ils ne peuvent pas se défendre. »

Tout pour aider les enfants

Pour Odile est venu le temps de l’action. Entrer dans le camin-spital (foyer-hôpital), c’est découvrir l’horreur absolue. La plupart des enfants ont le regard vide, comme mort, mais au milieu il y avait « des regards vifs, cinglants, qui te prenaient au passage. » Il a fallu apprivoiser tous ces enfants. Ne manquant ni d’idées ni d’initiatives, Odile traverse les bâtiments avec sa flûte à bec, en fermant les yeux pour ne plus voir et fermant son nez pour ne plus sentir, et un peu comme « le joueur de flûte de Hamelin », elle attire à elle les enfants, certains se sont mis à la suivre dans ses déambulations.

Mais ils ne parlaient pas, ne communiquaient pas. Comment alors redonner vie à tous ces « mômes » ? De grandes feuilles de papier, de la peinture et les doigts, et les enfants ont commencé à tracer des pointillés assez sales, puis des traits plus propres jusqu’au jour où une petite fille a dessiné une tulipe (un des grands symboles de la Roumanie). Elle s’occupe avec d’autres de redonner vie à ces enfants. Les laver, les désinfecter, les habiller, « au début avec ce que l’on a puis grâce à des dons », et surtout les nourrir. Odile est sur tous les fronts, elle frappe à la porte des ministères, de la préfecture et des services sociaux roumains. Elle est souvent prise pour une folle, mais on lui accorde souvent ce qu’elle demande. Ainsi elle récupère une parcelle de terrain pour cultiver un potager et apprendre aux enfants à se nourrir, elle installe un poulailler, elle leur réapprend à vivre et peut-être un jour à sourire.
Mais surtout Odile a voulu replacer ces enfants dans leur culture. Elle est allée chercher des adultes pour leur apprendre leurs traditions et leurs chants.

Au bout d’un an, les enfants se sont à nouveau mis à parler. Dans cette aventure, elle n’est pas seule : un médecin, Pierre, et son épouse ; Victor, un professeur roumain qui lui a servi d’interprète, aujourd’hui obligé de venir se réfugier en France pour pouvoir continuer à dénoncer ces atrocités.

Qui sont ces enfants ?

Quand une famille avait cinq enfants, le dernier était offert au dictateur qui en devenait une sorte de « père » et était censé lui apporter une nouvelle vie et un nouveau confort. Parfois étaient aussi confiés des enfants handicapés, les familles pensaient qu’ils seraient mieux soignés ainsi ; les enfants tziganes… Enfermés dans ces centres, presque livrés à eux-mêmes, ces « mômes » servaient à composer l’armée personnelle du dictateur et des maçons pour la construction harassante de son palais fou.
Quant à Odile, son engagement a toujours été « un choix, un choix joyeux. Je ne pouvais pas faire autre chose que de m’occuper d’eux. » Lorsqu’elle revient en 2012 en Roumanie, elle retrouve 35 des 70 enfants dont elle s’est occupée. Pour elle, ils sont tirés d’affaire. Ils peuvent vivre dans leur pays et travailler.

Et Odile dans tout ça

Depuis l’âge de cinq ans, Odile est au service, au service de l’Église. C’est à cet âge qu’elle commence à accompagner le chant aux cultes, mais surtout au service des autres. C’est ce que l’on retrouve dans son parcours professionnel. Tout d’abord infirmière, puis professeur en collège et enfin directrice de maisons de retraite avec, au milieu, un passage à l’Institut protestant de théologie de Montpellier en auditrice libre. En tant qu’infirmière scolaire, elle s’est intéressée très tôt aux problèmes de dyslexie, dyspraxie… comment aider les enfants « dys » ? Pour Odile, « la foi, c’est en acte ». Une personne est fragilisée dans son village de Saint-Chaptes ? Odile organise un réseau pour l’aider dans son quotidien… repas, aides diverses. Elle est de tous les combats, mais surtout dans une immense discrétion. Pour terminer cette rencontre, laissons à Odile les derniers mots : « Souvent, dit-elle, on dit de moi que je suis folle, mais le grain de folie c’est un grain de générosité. Il faut sortir de soi pour faire sortir l’autre et le rendre joyeux. »

pour pouvoir continuer à dénoncer ces atrocités.

Qui sont ces enfants ?

Quand une famille avait cinq enfants, le dernier était offert au dictateur qui en devenait une sorte de « père » et était censé lui apporter une nouvelle vie et un nouveau confort. Parfois étaient aussi confiés des enfants handicapés, les familles pensaient qu’ils seraient mieux soignés ainsi ; les enfants tziganes… Enfermés dans ces centres, presque livrés à eux-mêmes, ces « mômes » servaient à composer l’armée personnelle du dictateur et des maçons pour la construction harassante de son palais fou.
Quant à Odile, son engagement a toujours été « un choix, un choix joyeux. Je ne pouvais pas faire autre chose que de m’occuper d’eux. » Lorsqu’elle revient en 2012 en Roumanie, elle retrouve 35 des 70 enfants dont elle s’est occupée. Pour elle, ils sont tirés d’affaire. Ils peuvent vivre dans leur pays et travailler.

Et Odile dans tout ça

Depuis l’âge de cinq ans, Odile est au service, au service de l’Église. C’est à cet âge qu’elle commence à accompagner le chant aux cultes, mais surtout au service des autres. C’est ce que l’on retrouve dans son parcours professionnel. Tout d’abord infirmière, puis professeur en collège et enfin directrice de maisons de retraite avec, au milieu, un passage à l’Institut protestant de théologie de Montpellier en auditrice libre. En tant qu’infirmière scolaire, elle s’est intéressée très tôt aux problèmes de dyslexie, dyspraxie… comment aider les enfants « dys » ? Pour Odile, « la foi, c’est en acte ». Une personne est fragilisée dans son village de Saint-Chaptes ? Odile organise un réseau pour l’aider dans son quotidien… repas, aides diverses. Elle est de tous les combats, mais surtout dans une immense discrétion. Pour terminer cette rencontre, laissons à Odile les derniers mots : « Souvent, dit-elle, on dit de moi que je suis folle, mais le grain de folie c’est un grain de générosité. Il faut sortir de soi pour faire sortir l’autre et le rendre joyeux. »