« Toi qui disposes » figure certainement au Top 3 des bénédicités, ces courts chants que l’on entonne avant le repas. Avec sa version musicale énergique, sur l’air de « Oh, when the saints », et sa version romantique – sans doute plus recueillie. L’action de grâces (don, reconnaissance, amour) du premier couplet, dont on se contente en général, convient parfaitement à cette occasion. Et la mélodie simple et bien scandée favorise la mémorisation par tous les âges.

La mélodie qui figure dans nos cantiques a des racines fort anciennes. On la connaît en 1842 en Silésie, mais elle est parfois attribuée à la tradition hussite (XVe siècle). Cer tains pensent même que sa vieille appellation d ’«  Hymne des croisés  » fait remonter cette mélodie au temps des croisades ; on l’imagine alors au pas des chemins ou à la veillée du soir… moins dans le fracas des batailles ! Les paroles les plus anciennes que l’on connaisse semblent plutôt d ’ inspiration piétiste. Elles célébraient la beauté du Seigneur (Schönster Herr Jesu) : « Belles sont les prairies, plus belles encore les forêts dans leur parure printanière  ; Jésus est plus beau encore, lui qui réjouit nos tristes cœurs… » Notre texte français est dû à Blanche Sautter en 1890. L’action de grâce est déployée selon trois directions, que l’on pourrait qualifier de trinitaires même si seul le nom du Père est mentionné explicitement. Le premier couplet remercie le Père pour le don « de toutes choses ». Le second chante pardon, paix et clémence, réalités spirituelles plutôt associées à l’œuvre du Christ. Et le troisième, aux accents presque mystiques, aspire à une élévation de chaque instant vers Dieu, comme une invocation à l’Esprit Saint. À ce titre, le dernier couplet aurait tout à fait sa place au début de toute réunion chrétienne.

Un chant louant le Dieu présent

L’ensemble n’est pas sans écho à la confession de foi de Luther (ARC 565 – ALL 61-81). Dans une grande simplicité de mots, c’est une expression particulièrement ancrée dans le présent, dans le quotidien : « chaque jour, l’instant qui passe, chaque heure ». Au-delà du contexte communautaire signifié par le «  nous  », le cantique peut accompagner chaque moment de la vie chrétienne, et de la vie tout court. Le présent est cette terre où Dieu peut sans cesse venir à nous. « C’est Noël chaque fois », chantait-on avec Odette Vercruysse dans les années 1970, dans une sensibilité forte aux solidarités humaines et sociales. Ce cantique, qui célèbre Dieu dans le temps présent, mérite d’avoir traversé les âges !

Toi qui disposes

1. Toi qui disposes de toutes choses et nous les donnes chaque jour Reçois, ô Père, notre prière de reconnaissance et d’amour.
2. Le don suprême que ta main sème, c’est le pardon, c’est notre paix Et ta clémence, trésor immense, est le plus grand de tes bienfaits.
3. Que, par ta grâce, l’instant qui passe serve à nous rapprocher de toi ! Et, qu’à chaque heure, vers ta demeure nos cœurs s’élèvent par la foi !