Depuis plusieurs mois, les révélations sur l’Affaire Bétharram ne cessent de se multiplier et de faire des violences en milieu scolaire et catholique un sujet de société à part. La libération de la parole des victimes dans la presse s’accompagne aujourd’hui d’un livre, Le Silence de Bétharram, à paraître jeudi 24 avril, précise Sud-Ouest. Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes et auteur du livre, a recueilli de nombreux témoignages relatant des violences subies par les anciens élèves et décrivant la noirceur de cette institution.

Parmi celles et ceux qui ont accepté de parler, on y retrouve Hélène Perlant, fille aînée du Premier ministre François Bayrou. Elle a raconté à l’agression “gratuite” qu’elle a subie à l’âge de 14 ans et détaille à Paris Match, les raisons qui l’ont poussée à cacher cet acte de violence à son père.

Violentée par le père Lartiguet

La scène se passe à l’été 1985 lors d’un camp d’été organisé dans les Pyrénées par la même congrégation à laquelle Bétharram appartient, précise Paris Match. À cette époque, Hélène est adolescente. “Dans cette colo, on était une quarantaine, moniteurs inclus. Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, [le père] Lartiguet me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos”. Elle n’avait rien fait pour mériter un tel passage à tabac, si ce n’est qu’un an auparavant elle avait perturbé la préparation à la communion solennelle supervisée par une bonne sœur, souligne la source.

Hélène poursuit son témoignage : “Pour parler crûment, je me suis uriné dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet.” Son agresseur “ne s’excuse pas, il n’est pas en colère, pas gêné”. Les autres élèves qui assistent à la scène restent figés. Le lendemain, elle se retrouve couverte “d’ecchymoses”, a “des acouphènes sévères” mais assure sourire “deux fois plus”, comme si rien ne s’était passé.

François Bayrou ne le savait pas

Cette agression, Hélène Perlant “ne la supporte pas” et elle va la cacher à son père durant trente ans. “Il ne sait pas que je suis victime et que je vais témoigner comme victime”, assure-t-elle. Par ailleurs, la fille du Premier ministre ne remet pas en cause la parole de son père qui a déclaré à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale et devant la presse ne pas avoir été au courant des agissements à l’intérieur de l’établissement catholique des Pyrénées alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale au moment des faits et qu’il occupe la fonction de maire de Pau depuis plus d’une décennie. “On peut penser qu’il a eu toutes les infos. Mais lui, comme les autres parents, était très très intriqué politiquement, localement […] Plus on est intriqué, moins on voit, moins on comprend. Et plus il y a de témoins, moins ça parle”.

Aujourd’hui, Hélène Perlant a 53 ans et veut, comme toutes les victimes de Bétharram qui témoignent dans le livre d’Alain Esquerre, lever le voile sur les violences commises au sein de l’établissement. Elle compare l’institution à “une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants pour qu’ils se taisent.” Elle assure que “la violence a toujours été là”, même lors des premiers mandats de son père dans la région. Elle conclut : “C’est juste un quidam quelconque comme je suis une victime quelconque. On s’est fait avoir par ce dispositif. Il est temps d’expliquer le système installé à Bétharram pour que ceux qui n’ont rien vu cessent de se sentir coupable”.