S’il a mis un terme à cinq ans de guerre civile, l’accord de paix de 2018 n’a pas empêché la poursuite des violences intercommunautaires. Une jeune femme descend d’un avion humanitaire. Enlevée pendant l’été 2022 lors d’une attaque de bergers, elle tombe dans les bras de son père et de son mari, relate Le Monde. Ses proches lui caressent les cheveux tout en murmurant des prières. Il faut dire que son retour est décrit comme miraculeux. Avant de fouler le tarmac de Pibor, dans l’est du Soudan du Sud, elle a marché pendant 200 km pour rejoindre le village de ses ravisseurs dans l’État de Jonglei. Là, elle a été séparée de son bébé âgé de 4 mois.

Victime de mauvais traitements puis chassée, la jeune femme a été livrée à elle-même pendant des mois. À son arrivée à la frontière éthiopienne, un homme l’a recueillie le temps de la confier aux autorités. Cette histoire est tout sauf un cas rare.

9 000 personnes retenues

Le quotidien chiffre à cent dix-sept le nombre de femmes et d’enfants du groupe murle enlevés dans les environs du Grand Pibor avant de parvenir à regagner leurs proches. Des centaines d’autres espèrent encore être libérés. Selon les autorités, quelque 1 810 personnes ont été kidnappées entre le 24 décembre 2022 et la mi-janvier, lors d’attaques menées par des bergers lourdement armés. Des violences lors desquelles 661 villageois murles sont morts.

Dans l’est du Soudan du Sud, les violences intercommunautaires ne cessent d’empirer depuis 2018. Désormais, les raids contre le bétail sont doublés d’enlèvements. “C’est du trafic d’êtres humains, une forme d’esclavage”, résume un responsable onusien. Et d’ajouter que le phénomène va croissant. Les femmes et les enfants sont ensuite échangés contre des animaux ou de l’argent. Parfois, ils intègrent aussi les familles de leurs ravisseurs. Le fonctionnaire explique au quotidien que 9 000 personnes seraient concernées par cette forme de servitude dans le Jonglei et le Grand Pibor.

Des kidnappings pour financer des dots

Un trafic qui touche tout le monde. Les jeunes, par exemple “volent du bétail pour survivre et pour pouvoir se marier. Payer une dot en augmentation, qui monte à soixante, soixante-dix vaches, c’est difficile sans faire un raid sur une communauté voisine”, indique un enseignant. “Si quelqu’un souhaite se marier, il lui faut des vaches. Cette personne pourra aller enlever l’enfant de quelqu’un pour le revendre et acquérir du bétail. C’est bien connu par ici !”, ajoute-t-il.

Après les raids de décembre 2022 et de janvier, les autorités du Jonglei ont fait de leur mieux pour localiser les personnes enlevées. Des efforts salués par Nicholas Haysom, le chef de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud. Mais un doute subsiste sur les conditions réelles des libérations. Présentées comme volontaires, beaucoup seraient négociées contre de l’argent, selon plusieurs sources.

Des vérifications poussées

L’ONU, de son côté, se charge de financer le transport des rapatriés, ainsi que les soins médicaux dont ils ont besoin. Puis l’ONG sud-soudanaise Gredo, à Pibor, s’occupe de les héberger et de les nourrir. Elle vérifie aussi que les familles retrouvées par ces femmes et ces enfants tout juste libérés sont bel et bien les leurs.