Qui profite le plus du système ? Qui sont les « assisté·es » ? Les pauvres ou bien les riches ?
J’ai récemment découvert cette expression qui m’a particulièrement interpellée : l’effet Mathieu. L’idée est que ce sont toujours les plus nantis qui en profitent le plus ! Ce principe sociologique fait référence à une phrase de l’Évangile de Matthieu qui m’a toujours choquée : « Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. » (Mt 3.12).
Ce qui est vrai d’un point de vue économique, l’est tout autant au niveau social et même, et c’est en cela que ça m’a intéressé, d’un point de vue de la protection sociale.
Loin du poncif qui vaudrait que les plus précaires vivent au crochet d’une société d’abondance; ce principe nous rappelle au contraire que ce sont d’abord les bien-portants qui en profitent le plus.
Pauvres et nantis
Les plus pauvres se soignent moins et renoncent même parfois à certains soins. Ils et elles commencent à travailler plus tôt et vivent moins longtemps et font donc gagner de l’argent aux caisses de retraites. Cette catégorie économique fait de moins longues études et ne va pas dans les prestigieuses écoles qui coûtent “un pognon de dingue” comparativement en tout cas aux facultés et encore plus à l’alternance. Certains ou certaines n’utilisent pas les aides auxquelles ils et elles ont pourtant droit (RSA, allocation logement…) ne souhaitant pas être stigmatisés comme “assisté·es” ou parce que les démarches, notamment dématérialisées, sont trop complexes.
Au contraire, les plus nantis ont les moyens de faire jouer le système et en profitent. Ils font de plus longues études ; ont de meilleurs salaires et peuvent grâce à cela racheter leurs trimestres d’études pour partir en retraite plus tôt. Pour leur santé, ils font appel à des spécialistes et parfois même croisent les diagnostics avec une cure ou des soins de “confort” pris en charge. Ils vivent plus longtemps, profitent de leur retraite et font appel à des professionnels qui optimisent leurs placements, souvent au détriment de l’impôt.
Oui la France est un pays d’abondance et son système de protection sociale est très généreux mais, contrairement aux idées reçues, ce sont les plus riches qui en bénéficient le plus ! Et les plus pauvres eux, ne bénéficient pas du ruissellement des plus riches, mais, en se serrant la ceinture, laissent à d’autres une plus grande part du gâteau.
En plein débat sur notre système de retraites, ce constat nous rappelle que nous ne naissons qu’égaux en droit et non en patrimoine, qu’il soit financier, éducatif ou de santé. Si la justice est bien le fondement du Royaume de Dieu, alors Dieu voit avec indignation les chaînes de l’oppression et de la domination. Et combattre l’injustice c’est justement rechercher ensemble à rétablir un peu d’équité dans ce monde injuste.
Lors de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous étions invités à méditer ce verset d’Esaïe : “Apprenez à faire le bien, recherchez la justice” (Ésaïe 1.17). Peut-être faudrait-il commencer en convertissant notre regard, et surtout celui que porte notre société, sur les plus pauvres.
Pierre-Olivier Dolino, pasteur-directeur de la Fraternité de la Belle de Mai – Marseille.