Le monde change à une vitesse exponentielle et nous nous dirigeons toujours plus vite vers ce que les écologistes appellent pour le climat des « points de bascule », au-delà desquels le retour en arrière devient impossible : fonte des glaces, incendies, canicules, etc. Mais cette accélération et ces points de bascule touchent aussi la politique mondiale. 

Un exemple frappant : les annonces soudaines de coupes massives dans les budgets de la solidarité internationale, qui ont sidéré le monde du développement et de l’humanitaire. Aux États-Unis, en France et dans plusieurs pays européens, l’aide publique au développement est remise en cause, stoppée ou diminuée, sacrifiée sur l’autel de priorités nationales à courte vue. Derrière ces coupes budgétaires, c’est la vie de millions de personnes, les plus pauvres et les plus vulnérables, qui sera définitivement affectée et mise en danger, de façon irrémédiable. Et c’est toute la philosophie de la solidarité internationale qui peut basculer. 

Comme le climat, la politique vacille. Le balancier va trop loin et trop vite. Si nous ne revenons pas à l’équilibre, nous risquons l’effondrement : guerres, chaos, fin d’un monde que nous pensions immuable. 

J’espère que nous allons connaître un électrochoc salutaire, qui nous forcera à redéfinir nos priorités avant qu’il ne soit trop tard. Le respect de la nature et la solidarité ne sont pas des options ou des luxes : ils sont des nécessités absolues. Nous, protestants, porteurs d’une foi qui place la justice et l’engagement au cœur de son message, pourrions-nous être cette force de rééquilibrage ? Je le pense, et le moment est venu de se lever, avant que le balancier ne bascule définitivement.

Thomas Kauffmann, anthropologue et humanitaire, pour « L’œil de Réforme »

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