L’actualité récente charrie encore et toujours son lot d’images éprouvantes et de récits traumatisants. Quels sont les effets psychologiques d’une actualité violente ? Quelles stratégies pour se préserver au quotidien ?
2025 a inauguré une année que le gouvernement souhaite consacrer à la santé mentale. Force est de constater que celle des Français n’est pas au beau fixe, alors que nous célébrons les cinq ans de l’entrée dans la crise sanitaire – un évènement qui a été variablement vécu sur le plan psychologique. Depuis, on a toujours cette sensation que l’actualité n’a jamais été en reste pour nous éprouver. Ici la disparition mystérieuse d’un enfant, la mise à mort d’une mère de famille, l’assassinat d’un adolescent, un règlement de compte sanglant entre dealers, là un séisme qui met tout un pays par terre, ou des bruits de bottes aux portes de l’Europe… Sommes-nous cernés par la violence et tous ses modes d’expression ?
Au-delà de ces faits, c’est aussi « l’inhumanité des images diffusées » ou le caractère cru de ce que nous entendons qui nous heurte. Les médias se délectent avec complaisance de détails horribles, sordides, choquants. Nul ne peut rester indifférent à l’étalage de la souffrance d’autrui. Tristesse, peur, colère sont des réactions normales face à de telles informations – mais comment éviter qu’elles ne nous submergent au point d’altérer notre équilibre quotidien ?
Les effets psychologiques d’une actualité violente
Lorsqu’un événement dramatique survient quelque part dans le monde, même ceux qui n’en sont que témoins à travers les médias peuvent en ressentir le contrecoup psychologique. Dans un article consacré au stress post-traumatique, Santé Publique France souligne que « beaucoup de personnes ressentent des symptômes d’anxiété, des peurs, de la tristesse » en réaction à un attentat ou une catastrophe même si elles ne sont pas directement touchées. La plupart du temps, ces effets sont transitoires et sans gravité durable. Néanmoins, si l’exposition aux images et récits violents se prolonge ou se répète, des émotions négatives et perturbantes peuvent s’installer. L’angoisse initiale peut alors évoluer en stress chronique, avec son cortège de symptômes : hypervigilance, fatigue, irritabilité, troubles du sommeil… – autant de signes qui indiquent qu’un palier pathologique est franchi. Dans certains cas, on peut même observer l’émergence d’un trouble anxieux généralisé chez les individus les plus vulnérables – ou une aggravation de troubles psychiques préexistants, comme la dépression.
Sur le plan émotionnel et cognitif, l’exposition régulière à des nouvelles traumatisantes peut entraîner un véritable choc psychique. On peut se sentir totalement paralysé ou dépassé et incapable de réfléchir. Les psychiatres parlent de la sidération pour décrire cet état de stupeur qui anesthésie d’effroi, bien au-delà de la « simple » peur. L’état de sidération apparaît alors comme un mécanisme de protection du cerveau, mais qui peut s’accompagner, après coup, d’un flot d’émotions intenses, avec des sentiments envahissants d’horreur, d’angoisse, d’impuissance, voire de la culpabilité.
Sur le plan comportemental, chacun tente à sa manière de composer avec l’anxiété générée par l’actualité. Beaucoup de nos contemporains développent dans ce contexte anxiogène une nouvelle tendance, le doomscrolling : le besoin compulsif de faire défiler les fils d’actualités négatives d’un réseau social à l’autre, sans pouvoir s’arrêter. Ces contenus anxiogènes créent une tension qui pousse à chercher toujours plus d’informations dans l’espoir illusoire de se rassurer, alors que c’est exactement le contraire qui se produit, dans une boucle sans fin.
Des stratégies pour se préserver au quotidien
Face à ce constat, que conseillent les spécialistes pour protéger sa santé mentale tout en restant informé ? Plusieurs psychiatres et psychologues suggèrent des bonnes pratiques concrètes, à appliquer au quotidien :
S’appliquer une hygiène d’information
Tout comme on s’impose une certaine hygiène de vie, on peut encadrer le flot des informations que nous recevons. Il s’agit d’abord de réguler son exposition aux actualités. On décide de se fixer des moments dédiés (par exemple un point le matin et un le soir), plutôt que de laisser le flot d’alertes se déverser toute la journée.
- Pour cela, pensez à désactiver les notifications automatiques sur votre téléphone, voire votre montre connectée. Instituer de tels moments permet de choisir quand et auprès de qui s’informer.
- Dès lors, choisissez bien vos sources d’information. Privilégiez les médias de fond (presse écrite, journaux radio) qui s’appuient sur l’analyse, plutôt que les chaînes d’info en continu où les images choc et les annonces sensationnelles tournent en boucle.
- Tenez vous à distance des images trop crues toutes les fois où c’est possible. Gardez toujours la télécommande à portée de main – voire évitez de regarder les informations tout en dînant.
- Filtrer et doser l’information reçue réduit déjà une grande part d’anxiété.
Prendre du recul et se ménager des pauses
Se protéger ne signifie pas s’endurcir, ni être dans le déni, mais prendre une certaine distance pour mieux digérer l’information. Concrètement, lorsqu’un événement vous bouleverse, accordez-vous le droit de déconnecter quelque temps des écrans et des réseaux sociaux. Une sorte de retraite digitale. Dans ce temps, consacrez-vous à des activités qui vous apaisent, vous font plaisir et vous recentrent : écriture, lecture, peinture, activité manuelle, chant, musique mais aussi yoga, méditation ou relaxation ou encore une balade en pleine nature.
Dans une interview accordée à Madame Figaro, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik conseille ainsi de pratiquer la « communion avec la nature », l’admiration de la beauté d’un paysage ou d’une œuvre d’art, ou encore la méditation, qui offrent autant de « pauses consolatrices » dans un climat anxiogène.
S’autoriser à exprimer ses émotions et s’appuyer sur ses proches
Face à une information choquante, il est tentant de ressasser ses peurs dans son coin – et le plus souvent dans sa tête. Les spécialistes encouragent au contraire à verbaliser ce que l’on ressent. L’objectif n’est pas de refaire le monde, ni de polémiquer sur l’actualité, mais de partager son ressenti pour mieux le comprendre et le relativiser. Souvent, mettre des mots sur son angoisse en discutant avec un proche de confiance permet de briser le cycle de la peur et de retrouver du discernement. Plus largement, les psychiatres estiment que maintenir un lien social est un facteur de protection majeur pour la santé mentale. Le soutien mutuel aide chacun à garder espoir et à ne pas se sentir seul face aux mauvaises nouvelles. À l’inverse, l’isolement amplifie le sentiment d’impuissance.
Rechercher une aide professionnelle si cela dure
Enfin, il est important d’avoir conscience de ses limites. Si, malgré tout, l’anxiété persiste de manière intense et durable, il faut consulter un professionnel. Un psychologue ou un psychiatre pourra vous accompagner pour surmonter ce stress post-actualités. Par exemple, si chaque nouvelle catastrophe résonne avec la précédente et vous angoisse au point d’en perdre le sommeil ou l’appétit plusieurs jours durant, ou si vous vous sentez submergé d’émotions au quotidien, un soutien thérapeutique peut aider à retrouver votre équilibre.
Se protéger de la violence de l’actualité n’implique pas de s’en détourner complètement ni de nier la réalité du monde. Il s’agit plutôt de garder une juste distancetout en préservant sa santé mentale. A titre préventif, chacun peut se constituer un « kit de survie mental » pour traverser une actualité anxiogène sans se laisser broyer par elle, et ainsi continuer à avancer sereinement malgré les turbulences médiatiques.
Pour aller plus loin :
– Site internet sur la psycho traumatologie : www.resilience-psy.com
– Article : les conseils d’un psychologue pour se préserver face à la violence
– Article : 8 façons de se réconforter dans un monde anxiogène
– Article : Trump, géopolitique, quand l’actu nous rend anxieux