« On peut pratiquer le bouddhisme de manière religieuse, avec des rituels, mais aussi de manière non formelle, comme une sagesse », assure le moine Orgyen, du centre tibétain Bodhicharya de Lusse, dans les Vosges. Il y a 2600 ans, «après avoir renoncé à l’ascétisme, le prince [indien] Siddhartâ [qui va devenir Bouddha, ndlr] se rend seul au milieu d’une forêt, s’assoit sous un arbre et
se livre à une pratique méditative basée sur l’attention à ce qui est ici et maintenant », rappelle le philosophe Alexis Lavis (1). «Après avoir traversé un certain nombre d’états méditatifs, il vainc Mara, l’esprit tentateur (…), et atteste de son Éveil en touchant la terre du bout des doigts. C’est alors que des fleurs tombent du ciel, offertes par le dieu Brahma en guise de reconnaissance et d’invitation à enseigner. » Le bouddhisme reconnaît donc le divin. Mais il n’est pas le centre de sa préoccupation. «Toutes les écoles bouddhistes suivent l’enseignement du Bouddha qui a proposé une voie pour se libérer de la souffrance », précise Orgyen.

Si les bouddhistes sont tous disciples du Bouddha, son enseignement s’est répandu à partir du Ve siècle depuis l’Inde vers la Chine le Japon et le Tibet en prenant à chaque fois une «couleur locale». «L’enseignement du Bouddha est une voie progressive qui s’adapte aux personnes, à leur psychologie, leur société. Le défi a toujours été de garder l’essence du message du Bouddha tout en s’adaptant à l’auditoire», explique le moine. En Occident, le bouddhisme continue de s’adapter. Le bouddhisme zen d’origine japonaise et le bouddhisme tibétain sont les courants qui attirent le plus les Occidentaux. Le succès en France du premier s’explique par les visites du Dalaï Lama, le plus grand maître de ce courant. De grands maîtres zen se sont aussi installés en France dès les années 1970.

Atteindre l’Éveil

Pour autant, les courants les plus suivis restent ceux issus des pays d’origine des immigrés asiatiques. L’Alsace compte ainsi des courants variés : les bouddhistes tibétains pratiquent à Kuttolsheim. Les bouddhistes zen ont un Dojo à Strasbourg etun temple à Weiterswiller. Ces lieux attirent des Européens, souvent avec déjà un gros bagage spirituel et culturel. Les temples bouddhistes vietnamiens de la Wantzenau et laotien de Souffelweyersheim sont quant à eux fréquentés par les immigrés et officient dans leur langue d’origine. Communauté laïque et communauté des moines sont toujours dans une étroite interdépendance «pour permettre aux moines de se consacrer à l’étude et à la méditation et d’être à même de transmettre aux laïcs», explique Orgyen. Le don et la générosité sont ainsi centraux pour les bouddhistes. Ils passent, selon les compétences des disciples, par des biens matériels, la protection contre la peur ou la transmission de l’enseignement du Bouddha, c’est-à-dire le don du dharma. La quête ultime d’un disciple du Bouddha est d’atteindre le Nirvana, c’est-à-dire l’Éveil. Pour les bouddhistes tibétains, on parle de «  réaliser sa nature de bouddha».

Pour y parvenir, la méditation est l’outil  premier. Elle consiste à s’entraîner à  observer son esprit par des méthodes très diverses. Chez les Tibétains, au-delà de la
seule méditation, la dévotion du disciple à un maître est «le chemin le plus pertinent» pour atteindre l’Éveil, estime Sacha Marche, responsable du centre Bodhicharya. Il s’agit pour le disciple d’entrer dans une relation de confiance et d’intimité spirituelle avec une personne qui maîtrise son propre esprit, a fait le chemin et peut le montrer. La dévotion a pu donner lieu en France à des abus sanctionnés par la justice. Orgyen souligne qu’il n’existe pas de hiérarchie ecclésiale dans le bouddhisme qui serait à même de qualifier les maîtres. «C’est d’abord à chacun de garder son discernement et de n’accorder sa confiance qu’après un long temps d’observation. »