Plaidoyer de la Conférence des responsables de culte en France vers la COP28
Paris, le 28 novembre 2023
Monsieur le Président,
Nous, représentants des confessions bouddhiste, juive, catholique, protestante, orthodoxe et musulmane de notre pays, vous interpellons solennellement en vue de la COP28, et plus largement, sur le profond bouleversement écologique et du vivant provoqué par les activités humaines. La France doit hisser sa réponse à la hauteur de l’urgence du bouleversement climatique en cours, au risque d’accélération de la perte de biodiversité et au dépassement des limites planétaires. Notre pays doit s’engager plus résolument encore qu’il ne l’a fait au niveau international.
« Nous avons ouvert les portes de l’enfer », affirme le secrétaire général des Nations unies. À tout le moins, alors que notre monde s’approche peut-être d’un point de rupture, nous avons la responsabilité de sauvegarder les conditions d’habitabilité de la Terre pour nous et le vivant. Les scientifiques ne cessent d’alerter contre les graves périls qui nous menacent. La température augmente à un rythme inédit, à cause des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES), d’abord produites par la combustion des énergies fossiles. Le seuil d’augmentation de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris pourrait déjà être atteint dans les six années à venir. Nous sommes dans une situation d’extrême urgence ; avec gravité, nous nous alarmons qu’elle ne soit pas reconnue comme telle. Nous nous inquiétons aussi de la remontée du climato-scepticisme.
Ensemble, nous lisons la crise climatique, et plus largement la crise écologique et sociale, non pas d’abord comme un problème technique ou du « faire », mais comme une véritable crise spirituelle et de civilisation, qui vient remettre en cause notre manière d’« être » au monde.
Un changement de paradigme est nécessaire, grâce au renouvellement de notre imaginaire, à un discernement éthique collectif et à des décisions politiques radicales et courageuses.
Pour réussir la transformation écologique, nous appelons à une révolution de la sobriété, qui devra subordonner la recherche de performance à la primauté de la communauté de destin de l’ensemble du vivant, dans un monde accepté comme fini. Dans nos sociétés, les injonctions à la compétition, la confiance aveugle en la technique et l’orientation hédoniste d’une économie de la surabondance empêchent de reconnaître et de valoriser ces autres approches. Changer en profondeur requiert de constater que tout est lié sur Terre et au-delà, et de se convaincre que l’épanouissement de chacune et chacun passe par celui de toutes et tous, selon l’équité et la justice, et que la modération est promesse de nouvelles abondances. Nous sommes déterminés à nous engager dans ce sens, pour répondre à ce beau défi.
La diversité de nos traditions porte des accents et des convictions propres, qui font la richesse de notre contribution à une telle transformation. La tradition juive présente la promesse d’une terre à travailler et à préserver. Les femmes et les hommes découvrent un rapport à la terre relevant d’une habitation tendre (Psaume 37, 11). Ces messages consonnent dans le résumé de la Bonne Nouvelle de l’Évangile offert par les Béatitudes : « Bienheureux les doux, ils recevront la terre en héritage » (Matthieu 5, 5), lié à l’amour du prochain et à l’attention aux plus petits (Matthieu 25, 40), entraînant une option préférentielle pour les pauvres que […]