Quelques larmes d’huile au sein d’une salamandre, et déjà la flamme fait naître un murmure. Espérance, promesse ou prémices de transcendance? Aussitôt la musique entre en scène. Tous les cuisiniers ne sont pas mélomanes, tous les musiciens n’accrochent pas trois étoiles au revers de leur gourmandise. Mais une communauté de cœur associe l’art des saveurs à celui des sons. Le bon usage des mots nous le confirme : on parle de notes au sujet des épices, de « piano » pour désigner les deux fours et les cinq feux permettant la cuisson, de « batterie » quand il s’agit des ustensiles de cuisine. En réciprocité, Carême inventa le tournedos Rossini, tandis qu’Escoffier conçut son dessert à la pêche en hommage à la cantatrice Nellie Melba. L’harmonie de ces plaisirs donne à l’été ses lueurs.

Jennifer Martin ne prétend pas composer l’opéra culinaire du futur, une symphonie de banquets. Mais son nouveau livre « Je cuisine au fil des saisons » (Hugo 160 p. 15,95 €), respire la bonne humeur. On vous imaginerait taquins si nous vous décrivions ses recettes estivales, dominées de clafoutis salés, de crumbles ensoleillés, de lasagnes végétales: ne verserions-nous pas dans le conformisme de l’époque ? Alliant plaisir et souci de bien-être, Jennifer Martin nous convainc parce qu’elle ne se hausse pas du col et suggère une idée neuve dans un paysage familier : deux pincées d’herbes orientales ici, quelques noisettes là. Reconnaissant que son amoureux, que ses enfants, n’avaient pas d’emblée considéré d’un bon œil ses repas peu caloriques, la jeune femme a su construire un chemin pour tous. «Le repas n’a pas pour vocation le seul désir de se nourrir, observe Jennifer Martin. C’est avant tout l’espace-temps qui permet la réunion des sensibilités, le partage. » En appliquant ses recettes à la lettre comme à l’esprit, vous donnerez à vos ripailles cette légèreté qui libère l’énergie.

A Lacquy, la fête se distille en alambic. Des sables de la région surgissent des vignes à partir desquelles on produit ce nectar aux couleurs fauves que célèbre le monde, l’Armagnac. Admirative de cette eau-de-vie, Véronique de Boisséson glisse dans la culture familiale de son mari cinq soirées musicales, baptisées « Musique en Bas-Armagnac ». Au premier plan de son programme, le pianiste Jean-Marc Luisada proposera Mozart, Chopin, Schubert. Au violoncelle on écoutera Marc Coppey, tandis que Gabriel Pidoux, jeune hautboïste héritier d’une lignée reconnue- ah ces familles de musiciens…- jouera Beethoven et d’autres en compagnie de l’Octuor à Vents Sarbacanes. Aux mélomanes on suggère d’interroger la maîtresse de maison à propos des conserves aux légumes verts qu’elle vend parfois sur les marchés. Mais ne le répétez pas : «to the happy few »…

Dans le cloître du monastère de Cimiez, Marie-Josèphe Jude organise un festival éclatant : Niceclassiclive. Allergiques au franglais, ne vous offusquez pas ; consultez plutôt la liste des artistes (accessible à l’adresse niceclassiclive.com) et vous comprendrez que l’excellence y loge tous les jours : en duo, récitals, ou même en lectures de textes accompagnées de musiciennes protestantes. Un bonheur n’arrivant jamais seul, vous pourrez, à deux pas de la « Prom’ » – ainsi que les Niçois surnomment leur avenue maritime- louer le Très Haut d’avoir inspiré l’invention de la Socca.
De cette avalanche de plaisirs, qu’aurait dit Jean Calvin ? Mystère. Et Zwingli ? Pareil. En revanche, on a bien l’idée de ce qu’aurait pensé de tout cela Martin Luther…