Le chef de l’État a déclaré, mardi 13 mai, que le texte concernant la loi sur la fin de vie « a commencé son chemin à l’Assemblée. Il le suivra au Sénat ». Il a ajouté: « Je pense qu’il faut d’abord qu’il y ait un temps parlementaire, mais si, à l’issue de cette première lecture, on voyait au fond qu’il y a un enlisement, une espèce d’impossibilité d’aller au bout, à ce moment-là, je pense que le référendum peut être une voie pour débloquer ». Le député Olivier Falorni, porteur dès l’origine de ce projet de la loi, avec la constance et l’obstination d’un militant convaincu, rapporteur général de la proposition de loi légalisant « l’aide à mourir », voit dans le référendum « une arme de dissuasion antiblocage si le Sénat essayait de faire s’enliser le texte ». 
Mais rien ne dit que le recours au référendum à propos d’une loi dite sociétale soit constitutionnellement possible.

Le recours problématique à l’article 11

Dans leur rôle, les juristes constitutionnalistes semblent partagés. Les uns doutant qu’une réforme touchant aux droits et libertés individuelles entre bien dans le champ de l’article 11 de la Constitution, à moins d’en faire «une lecture extensive». Les autres estimant que le recours à cet article n’est absolument pas pertinent, puisqu’il s’agit de la dépénalisation d’un acte létal qui ne peut en aucun cas, selon eux, faire l’objet d’un référendum. Certes, ces aspects juridiques ont leur importance, et doivent certainement être pris en compte. Mais on serait en droit de s’étonner que ce débat occulte totalement le volet éthique qui se pose dans ces deux déclarations : la mort, qu’il s’agisse de suicide assisté ou d’euthanasie, même réduite comme elle l’est aujourd’hui au rang de sujet sociétal au gré de l’évolution des mœurs, est-elle vraiment un sujet de référendum ?

Un choix binaire pour une question si complexe ?

La réponse du docteur Claire Fourcade à cette question est sans ambiguïté: le «débat binaire est en noir et blanc». Or devant la mort, et selon ses termes, «on vit dans cinquante nuances de gris». Comment confier une question aussi douloureuse, aussi personnelle et complexe à une consultation démocratique ? Comment oser penser trouver une réponse à l’issue d’un suffrage où nos hésitations existentielles et nos intimes convictions, entre une approbation ou une désapprobation de la loi, devront être dépassées par chacun d’entre nous ? Aurons-nous tous une claire connaissance, avant de mettre un bulletin dans l’urne, des enjeux véritables de cette loi ? Accepterons-nous de voter dans l’ignorance absolue et bien compréhensible de l’ultime décision que chacun d’entre nous devra prendre aux limites extrêmes de sa vie ? Un référendum permet d’impliquer directement les citoyens, certes, mais l’on peut douter qu’une question aussi intime puisse faire l’objet d’un choix binaire soumis à l’ensemble d’un corps électoral. J’avoue qu’à titre personnel – et sur ce sujet, on ne peut parler qu’à titre personnel – il me semble légitime de douter d’un tel recours, ou d’un tel secours. L’épreuve du dernier choix, pour soi-même ou pour un être cher, doit-elle faire l’épreuve de la démocratie ?

Fin de vie versus La fin de la vie

L’hypothèse d’un référendum avait d’ailleurs été déjà évoquée, pour laquelle le même président de la République, si ma mémoire est bonne, avait alors (avant la dissolution) personnellement émis des doutes. Parler de fin de vie n’est pas parler de la fin de la vie. La première formulation laisse entrevoir une sorte de vague problématique technique occultant l’aspect éminemment éthique de la seconde que souligne l’emploi de l’article défini. L’omission de cet article estompe les valeurs fondamentales qui sont en jeu: la vraie dignité, la liberté individuelle, le respect de la vie, sa valeur qui est […]