« Que l’on approuve ou pas la politique Emmanuel Macron, force est de constater qu’il a eu l’intelligence de tirer les conséquences des suffrages exprimés, nous déclare en préambule Nicolas Roussellier. Le chef de l’Etat aurait pu détourner la tête, affirmer que c’était un scrutin européen et que, par tradition, les échéances intermédiaires, qui ne mettent pas en jeu la fonction présidentielle, ne sont guère favorables à la majorité. Il ne l’a pas fait. Ceci posé, la gravité de la dissolution accrédite la victoire du Rassemblement national. »
Une décision présidentielle risquée
Autant le dire, la situation est totalement inédite et nul ne peut prétendre savoir quelle Assemblée nos concitoyens vont élire. On pourrait comparer la décision présidentielle au choix de Jacques Chirac en 1997, imaginer que le président Macron souhaite ruiner les chances de Marine Le Pen d’arriver à l’Elysée en la nommant Première ministre, à la façon de François Mitterrand face à la droite républicaine en 1986, mais aucune de ces analogies ne fonctionne.
« D’une certaine manière, Emmanuel Macron se situe dans la lignée de la Cinquième République, ajoute Nicolas Roussellier. Dans un geste plus bonapartiste que jamais, guidé par une philosophie de l’action plutôt que par l’esprit de la transaction, il se lance dans la bataille afin, pour reprendre certains des mots qu’il a employés, « d’écrire l’histoire plutôt que de la subir ». Il se montre, une fois encore, disruptif et porte son personnage à son maximum »
Pouvait-il en aller autrement ? Notre interlocuteur nous rappelle que la Constitution pouvait permettre au Président de faire adopter des lois, tout comme, depuis deux ans et quelques semaines, il l’a fait – notamment pour la réforme des retraites, ou celle de l’assurance chômage. Mais politiquement, était-ce encore tenable ? Evidemment pas. Reconnaissons cependant que la donne électorale promet d’être complexe.
Incertitudes parlementaires à venir
« Tout comme Clausewitz parlait du brouillard de la guerre, nous entrons dans le brouillard de la politique, ajoute Nicolas Roussellier. Les partis politiques ont disparu, les corps intermédiaires aussi ; Emmanuel Macron, par cette décision, porte un coup peut-être fatal à la Macronie parlementaire car, à moins d’un improbable sursaut, je vois mal les formations qui le soutiennent obtenir une majorité absolue à l’Assemblée au mois de juillet. Nous allons donc assister à un retour partiel des pratiques de la troisième et de la quatrième république : ce sont les députés qui vont construire une majorité et l’imposer au chef de l’Etat. Celui-ci ne sera plus en situation de décider de la politique à conduire, alors même qu’il ne pourra plus se représenter. »
Les Français vont-ils amplifier la victoire électorale du RN ? Ou bien se mobiliser pour l’empêcher ?
« La victoire du RN aux européennes peut avoir un effet d’entraînement, elle peut aussi provoquer une prise de conscience collective, estime Nicolas Roussellier. Par ailleurs, bien malin qui peut parier ce que sera la participation, les reports de voix, les alliances à venir. La courte bride, c’est-à-dire le délai très court de la campagne, est imposée par le président de la République et participe, déjà, de la partie à venir. »
Une chose est certaine : les arguments de moralité et d’efficacité brandis contre le RN n’ont pas découragés les électeurs. Alors, que faire ? En trois semaines…