Tandis que la réforme des retraites provoque les remous que l’on sait, les jeunes Français s’inquiètent pour leur avenir.
Jeune candidat pour les jeunes en 2017, Emmanuel Macron souleva l’enthousiasme d’une part importante des étudiants, des actifs âgés de moins de trente ans. D’une alliance pleine de promesses et d’espérance, le président de la République a voulu sauvegarder les élans. Mais au fil du premier mandat, le lien s’est quelque peu distendu. L’année dernière, ce sont les électeurs âgés qui ont permis la réélection d’Emmanuel Macron. Parler de désamour serait cependant excessif. Quand, le 28 novembre dernier, au cours du Dîner des protestants organisé par le Cercle Charles Gide, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a salué les jeunes engagés pour le bien commun, nul n’a songé trouvé cet hommage incongru, signe que la politique menée par le chef de l’Etat reste assimilée à la volonté de bâtir un avenir dans la confiance et l’innovation.
Guillain Gilliot, coordinateur à Paris du mouvement « Les Jeunes avec Macron », nous indique à quelles conditions le dialogue entre les jeunes et le Président peut se poursuivre.
« Une certaine identification demeure, estime notre interlocuteur. La communication du Président- notamment le recours à des médias non conventionnels, aux réseaux sociaux- maintient le contact. L’ambition d’Emmanuel Macron n’a pas changé : la lutte pour l’égalité des chances et l’émancipation par le travail restent les fers de lance de son action à destination de la jeunesse. Par une revalorisation sans précédent de l’apprentissage, la création du Pass’Sport et du Pass Culture, l’aide de 500€ pour passer le permis de conduire, la suppression de la cotisation sociale étudiante ou encore la gratuité des préservatifs et des protections hygiéniques dans les universités, le gouvernement démontre qu’il agit. Peut-être que cela ne va assez vite et assez loin, mais dire que rien n’est fait serait faux.»
Ceci posé, le chef de l’Etat vieillit. Le poids de ses responsabilités nous laisse même penser que, pour lui, les années comptent double. Aussi sa juvénilité ne peut-elle suffire à définir une politique.
Evacuer les critères idéologiques
« Il me semble que la volonté d’Emmanuel Macron de dépasser les clivages traditionnels séduit toujours les jeunes, analyse Guillain Gilliot. Cette ambition peut paraître abstraite, mais elle repose quand même sur une réalité : nombre de jeunes Français sont d’accord pour évacuer les critères idéologiques d’une décision politique. L’essentiel est d’agir, de changer le quotidien, peu importe que la mesure soit considérée de droite ou de gauche. Ce pragmatisme, tout le monde est capable de s’y reconnaitre.»
On le souligne rarement, mais les jeunes se mobilisent très peu contre la réforme des retraites. En dépit des appels du pied des syndicats, les étudiants semblent indifférents. Cela vaut-il pour une acceptation ?
« Disons qu’ils ont l’impression que cette réforme ne les concerne pas, note Guillain Gilliot. Nombre de jeunes pensent que dans trente ou quarante ans soit le système de la retraite aura disparu, soit d’autres réformes auront été mises en œuvre. C’est pourquoi il est nécessaire pour nous, mouvement de jeunesse, de rappeler que cette réforme est avant tout nécessaire pour permettre à notre génération de bénéficier d’une retraite et préserver notre système par répartition. Je regrette que la jeunesse ne se saisisse pas pleinement de ce sujet car ils auraient toute la légitimité pour s’impliquer dans le débat public, apporter leur pierre à l’édifice et personne ne trouverait rien à redire. »
En revanche, le rejet du repas à 1 euro dans les CROUS a fait naître plus qu’un doute. Rappelons que, pour lutter contre la précarité des étudiants, tout particulièrement au moment de la pandémie, le gouvernement a institué le repas à un euro sans condition de ressources. Alors que les députés de gauche ont voulu pérennisé ce système, la majorité présidentielle s’y est opposée.
« Tout d’abord, je vous remercie de souligner que c’est sous Emmanuel Macron qu’ont été mis en place les repas CROUS à 1€ car les oppositions ont tendance à l’oublier, remarque en souriant notre interlocuteur. Les députés la majorité présidentielle ne s’opposaient aux repas CROUS à 1€ en eux-mêmes mais à leur généralisation à tous les étudiants, quel que soit leur niveau de ressource. C’est d’ailleurs ce que nous soutenons chez les Jeunes avec Macron : le cas par cas, nous souhaitons que chaque jeune qui ne bénéficie pas d’une bourse mais qui, à un moment donné, se retrouve dans une situation de fragilité financière doit pouvoir bénéficier de ce repas à 1€. Cependant, le rejet de ce texte est tout de même un mauvais signal envoyé à la jeunesse parce qu’il donne le sentiment que nous n’avons pas conscience des difficultés que celle-ci peut subir. C’est pourquoi les députés de la majorité ont déposé un nouveau texte de loi sur ce sujet. J’espère que de nouvelles mesures seront prises dans les prochaines semaines pour rectifier le tir. »
Au printemps, la ministre de l’Enseignement supérieur devrait faire parvenir les premiers retours de sa consultation nationale sur la réforme des bourses. L’hypothèse, émise voici quelques jours par Clément Beaune, de la création d’un « billet unique » dans tous les transports publics de France est également susceptible d’intéresser les jeunes.
Guillain Gilliot espère que ces deux étapes encourageront la reprise du dialogue de la majorité avec les étudiants ; puis il ajoute: « La transition écologique, à laquelle nous sommes tellement attachés, doit être mise en œuvre de façon plus spectaculaire.» Être fidèle au président Macron, c’est aussi faire preuve d’une saine exigence.