Finalement, derrière les outrances, les allers et retours, et les menaces brandies par Donald Trump, on perçoit quelque chose de récurrent. Il y a eu, d’abord, l’appel aux pétroliers : « forez ! forez ! forez ! » (chose qui n’est pas aussi facile à dire qu’à faire, d’ailleurs). Il y a eu, ensuite, la volonté d’annexer le Canada et le Groenland, terres de ressources à exploiter. Puis les demandes exorbitantes à l’Ukraine de livrer son sous-sol plus ou moins à perpétuité aux États-Unis. Derrière ces diverses sorties j’entends, en fait, la panique de tout un milieu social qui se rend compte que les ressources de la Terre sont en train de s’épuiser. La volonté prédatrice est l’ultime sursaut de riches qui se disent que, s’il faut changer d’attitude à l’égard de la création, ils seront les derniers.
La longue histoire de la prédation des ressources naturelles
Cela dit, ce qui s’exprime à visage découvert, aujourd’hui, n’est que la suite d’une très longue histoire. Le besoin de pétrole a provoqué de nombreux événements géopolitiques. En 1951, déjà, la décision du gouvernement iranien de nationaliser le pétrole qui était, auparavant, exploité par une compagnie britannique, provoqua de vives tensions internationales. L’affaire se termina par ce qu’on a appelé « l’opération Ajax », menée de concert entre la CIA et le MI6 britannique, qui conduisit au renversement du gouvernement et à l’installation d’un premier ministre plus complaisant avec les intérêts anglais et américains.
On connaît aussi l’incroyable retentissement économique qu’eut la décision de l’OPEP, en 1973 de réduire sa production de pétrole. Elle était en fait, au départ, une mesure de rétorsion des pays arabes contre le soutien américain à Israël lors de la guerre du Kippour, où l’Égypte et la Syrie avaient coalisé leurs forces pour attaquer l’état hébreu.
Plus près de nous, il est clair que la première guerre du Golfe aurait été tout autre si ce n’était pas le Koweit qui avait été envahi. Et la deuxième guerre du Golfe, qui visait à transformer l’Irak en allié plus conciliant, était encore plus dépendante de la géopolitique du pétrole. Il faut dire aussi que la famille Bush avait d’énormes avoirs dans l’industrie pétrolière.
Mais ce qui vaut pour le pétrole vaut pour d’autres ressources, et, à l’âge d’or des empires coloniaux français et britanniques, l’exploitation éhontée des ressources des pays colonisés était la règle.
Aujourd’hui encore, la guerre du Kivu, en république démocratique du Congo, doit son origine aux mines de coltan qui s’y trouvent. Le coltan est un minerai indispensable à l’industrie électronique et informatique…
En fait, quand on se plonge un peu dans le suivi des matériaux stratégiques pour maintenir notre mode de vie actuel, cela provoque un mélange de vertige et de nausée. Notre rêve technologique énergivore, a un coût en guerres, en exactions, en souffrances diverses dont on n’a qu’une faible idée.
Combien de temps encore accroîtrons-nous notre dépendance à l’égard des sources d’énergie ?
En dehors même de préoccupations écologiques, le coût énergétique de notre développement économique ne peut qu’interroger. Il engendre des dépendances qui sont sources de conflits, armés le cas échéant. On a payé pour le comprendre lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’augmentation du coût du gaz a provoqué une secousse majeure, aussi bien économique que politique, dans notre pays.
Et ce qui est arrivé avec le gaz pourrait bien nous arriver, également, avec l’uranium. Comme l’écrit, par exemple, le portail de l’intelligence économique, qui n’a rien d’une officine gauchiste, les pays où nous nous approvisionnons en uranium nous rendent sensibles à la menace de la Russie et de la Chine. Je cite le portail : « sur les dix dernières années, la France a importé 88 200 tonnes d’uranium naturel. Selon le comité Euratom, ces importations proviennent majoritairement de 4 pays : le Kazakhstan (environ 27%), le Niger (environ 20%), l’Ouzbékistan (environ 19%) et la Namibie (environ 15%) ». Entre temps le Niger, décidant de prêter une oreille plus attentive à la Russie qu’à la France, n’est plus une source envisageable. Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan fournissent, pour leur part, comme on l’imagine, aussi de l’uranium au russe Rosatom.
Finalement, même si les composants électroniques ont leur propre chemin de dépendance, c’est encore l’éolien et le photovoltaïque qui nous contraignent le moins !
Mais c’est surtout notre véritable addiction à la consommation énergétique qui est problématique. On apprend, par exemple, que l’intelligence artificielle va encore accroître cette addiction. Peut-on encore appeler cela de l’intelligence ? C’est peut-être les chinois qui vont relâcher cette pression en imaginant des logiciels, précisément, plus intelligents et utilisant moins des effets de masse.
Il semble, en effet, que l’intelligence nous ait désertés. Mais il est possible qu’elle fasse retour d’une manière cruelle, quand cette course militarisée aux ressources aura produit suffisamment de dégâts pour qu’elle finisse pas nous poser question.
Bienheureux ceux qui, ne serait-ce qu’un tout petit peu, ont l’esprit de pauvreté !