Dieu a-t-il créé l’homme à son image ou bien n’est-ce pas l’homme qui créé une iconographie où Dieu lui ressemblerait ? Nous sommes si accoutumés à voir des images de Christ au type physique européen que bien peu parmi nous se posent des questions. De ce fait, la très intéressante exposition que présente le musée du Quai Branly sur l’art et le christianisme au Kongo pourra surprendre plus d’un visiteur.
Dès le XVe siècle avec les Portugais
Influences multiples et histoire longue : l’exposition débute par des explications sur la situation de plusieurs royaumes d’Afrique centrale, réunis par une langue et des racines culturelles communes (en gros les anciens Congo belge et français, l’Angola). Ce sont les Portugais qui sont entrés les premiers en relation avec ces royaumes, les marchands précédant de peu les missionnaires, dès 1482 et jusqu’au début de l’ère coloniale. Très vite, les populations locales ont adopté et adapté les thèmes classiques de l’iconographie chrétienne. Parmi les premiers objets apportés par les religieux figurent naturellement les crucifix. L’exposition en présente un ensemble exceptionnel, dont certains, très anciens, se transmettaient de père en fils dans les familles de chefs. Les artistes locaux témoignent d’une grande maîtrise du travail des métaux pour ces objets le plus souvent en laiton, parfois cloués sur du bois. Ces objets étaient dotés d’un puissant pouvoir. Appelés nkangi kiditu (le protecteur), ils étaient transmis selon un rituel précis et pouvaient être utilisés par exemple à des fins médicales, en application sur la zone malade.
De l’ère coloniale à nos jours
Au XIXe siècle, le découpage de l’Afrique par les grandes puissances apporta un redoublement d’activité missionnaire. Catholiques et protestants multiplièrent les missions avec des approches variables. Fallait-il imposer une iconographie étrangère ou bien laisser les populations locales s’approprier les thèmes chrétiens ? Si certains missionnaires ont pu avoir une attitude ouverte, beaucoup soulignaient le danger de dérives difficiles à contrôler, faisant référence à des croyances païennes ancestrales. Assez surprenants, pour illustrer ce thème, de rares crucifix féminins représentant la Vierge sont exposés, ainsi que des santu (saints) ou klusu (croix).
Syncrétisme évident pour de nombreuses œuvres d’art, intérêt artistique et humain toujours : la collection exposée, issue pour une grande part de musées ou de fonds privés belges, montrent que très tôt les Occidentaux ont accordé de l’intérêt et du goût pour les productions africaines. Si protestants comme catholiques ont pratiqué l’iconoclasme (sous la forme de « bûchers à fétiches »), beaucoup parmi eux ont reconnu assez vite l’improductivité de telles pratiques et la nécessité de mieux s’intéresser aux cultures locales.
Parmi les œuvres contemporaines, une dernière surprise : une peinture d’un pasteur pentecôtiste, Pierre Bodo (mort en 2015), qui représente des Africains nus, en proie aux démons des enfers, rappelant fortement le thème du Jugement dernier sur les portails de nos églises romanes. Très actif, il mettait en garde contre la puissance du péché et du diable, qu’il assimilait aux devins ou marabouts, alors que seule la figure rédemptrice du Christ peut sauver.
- Du Jourdain au Congo, art et christianisme en Afrique centrale
Jusqu’au 2 avril au musée du Quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris.
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