Un parcours hors normes, jusqu’au doctorat, dont ce couple bivocationnel nous résume les étapes saillantes. Entretien.
1/ Freddy et Fidelia, pouvez-vous vous présenter ?
Freddy : je m’appelle Freddy Carmel, je suis assistant pasteur, j’ai 41 ans. Avec mon épouse Fidélia, nous habitons Clermont de l’Oise (Oise, 60). D’origine martiniquaise, né en France, j’ai grandi dans une famille catholique. Je suis passé par les étapes classiques : baptême, confirmation… A mes 8 ans, mes parents ont divorcé. Ma mère s’est remariée et nous sommes en tout 10 enfants (issus de ses deux mariages) dont je suis le cadet. Mon père de son côté s’est converti à la foi évangélique, il s’est fait baptiser. J’avais 12 ans, il m’a emmené à l’église, l’église pentecôtiste de la Porte Dorée à Paris. Mais il m’a fallu du temps avant de rencontrer moi-même le Seigneur Jésus-Christ. Depuis cette expérience de conversion, qui s’est produite après bien des péripéties, j’ai ressenti l’appel, avec mon épouse Fidelia, de servir Dieu à plein temps. Ce que nous faisons désormais, après une formation de six ans en Corée du Sud.
Fidelia : je m’appelle Fidelia, 39 ans. Native de Creil (Oise, 60), je termine un cursus d’études en Corée du Sud pour devenir pasteure. Avec mon époux Freddy, je sers le Seigneur à plein temps et me prépare au pastorat. Je fais partie d’une famille de cinq enfants, dont quatre frères. Je viens également d’une famille catholique comme Freddy. J’ai suivi des études d’assistante de direction. Du côté familial, c’était compliqué, alors je cherchais dans la religion catholique des solutions. En vain. Un jour j’ai prié Dieu, ou du moins, s’il y un dieu qui existe : « montre-moi un signe ». Tout est parti de là. Aujourd’hui, bien des années après ma conversion, j’ai trouvé ma voie et avec mon mari, nous partageons la vision d’annoncer l’Évangile en France et dans la francophonie.
2/ Pourriez-vous revenir sur l’élément déclencheur de cette vocation ?
Fidelia : lorsque j’ai traversé cette crise personnelle profonde, j’ai prié : « Montre-moi que tu es Dieu ». Et juste après, j’ai rencontré quelqu’un dans le train. Il s’appelait Achille. A l’époque, je passais mon baccalauréat. Il m’a dit : « voilà, j’ai mon père qui prie, tu peux venir à la maison ». Cette rencontre fut une bénédiction. A l’époque, une Église se réunissait dans la maison du pasteur, à Villers-Saint-Paul, non loin de Creil. J’y suis allée et j’ai tout de suite été touchée par la louange, l’adoration, l’enseignement. J’ai compris, après la prédication du pasteur Charlemagne, que j’avais besoin d’une relation personnelle avec Dieu. J’ai fait la prière d’acceptation du salut en Jésus-Christ. Je me suis convertie. Et à partir de là, j’ai commencé à évangéliser ma famille. Et peu à peu, autour de moi, il y a eu des conversions. Je voulais tout de suite faire des études théologiques, mais le pasteur Gilbert m’a demandé de me consacrer d’abord à mes études séculières, ce que j’ai fait. J’aspirais à plus… et plus tard, l’occasion s’est présentée.
Freddy : avec mon père, je suis allé deux-trois fois à l’église de la Porte Dorée (Paris), mais je n’étais pas intéressé. J’ai commencé à faire un peu n’importe quoi. Fumer, boire. J’ai arrêté l’école à 17 ans, et je suis tombé dans la délinquance. Cambriolage, bagarres, alcoolisme. J’avais perdu tous mes repères. Mais un jour, la lumière est arrivée. J’ai été invité par Fidélia à l’église Grâce de l’Éternel, à Nogent-sur-Oise. On y est allé ensemble. Ce jour-là, j’ai écouté la prédication, et j’entendais le pasteur expliquer ma vie. Cela m’a bouleversé. J’ai accepté Jésus-Christ comme mon sauveur et seigneur. C’était en 2006, j’avais 25 ans. Je n’ai plus quitté l’église.
3/ Vous êtes un couple bivocationnel. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous former en Corée ?
Freddy et Fidelia : C’est Dieu qui fait les choses. A partir de la conversion, on a eu à cœur l’évangélisation, l’un comme l’autre. Cela a commencé par nos familles, qui l’une et l’autre ont été touchées par l’Évangile. Notre couple est basé sur l’amour et la foi en Christ. L’évangélisation fait partie de notre vie. Nous avons franchi les grandes étapes ensemble. Nous avons été baptisés le même jour ! Nous sommes partis ensemble en Corée du Sud ! Et avons obtenu nos diplômes ensemble !
Avec le temps, dans notre église dans l’Oise, on s’est occupé des « chambres hautes », c’est-à-dire des groupes de maison. Comme nous nous sommes beaucoup investis dans la vie de notre église (rattachée à la CEAF, ndlr), nous avons eu l’occasion de participer à des rencontres et séminaires de formation avec des frères et sœurs venus de Corée du Sud. Notre église s’était en effet rapprochée de chrétiens coréens, et nous avions noué des liens réguliers. Lors des séminaires et événements organisés, nous étions toujours présents.
Un pasteur coréen, le pasteur Kang Sang Mo, a vu que nous étions engagés, motivés pour l’évangélisation et la mission. Et sans nous le dire, il a organisé une équipe de prière, dans son église Emmanuel de Ulsan (où nous sommes restés pendant 6 ans), pour permettre notre venue en Corée. Ils ont rassemblé peu à peu des offrandes pour cela. Ensuite, ce pasteur sud-coréen a prévenu notre pasteur, le pasteur Gilbert, qui nous a dit, sans plus de précision : « préparez-vous à aller en Corée ». Nous ne pensions pas que cela viendrait vite ! Mais en quelques mois, nous sommes passés d’un vœu un peu vague à la réalité, à la rentrée de l’année scolaire 2015. Pour cela, nous avons dû tout quitter, donner ce que nous avions, et faire le grand saut vers la Corée du Sud, dire au revoir à nos familles… Cela n’a pas été facile, mais nous avions le feu vert du Seigneur.
4/ Qu’est ce qui a été le plus marquant dans votre formation en Corée ?
Fidelia : la discipline spirituelle des Sud-Coréens. Ils prient et travaillent beaucoup, sans relâche. Quelle école de volonté et de foi ! Par ailleurs, j’ai aussi fait l’expérience de la solitude. Mon mari Freddy était beaucoup plus sollicité que moi. En Corée du Sud, les femmes restent avec les femmes. Je n’étais pas assistante pasteure, j’étais étudiante, sans famille sur place.
Mais j’avais la possibilité de m’investir dans la chorale, et dans la musique, à l’église, à l’école de théologie où nous étions, à Doekpyeong (environ 1h de Séoul, ndlr) et lors des conférences internationales. Une autre chose m’a marquée à la toute fin de mon cursus de formation, à l’occasion de mon doctorat en théologie. J’ai fait mon mémoire sur les ministères féminins dans la Bible. Et mon professeur sud-coréen, qui jusque-là était plutôt contre le pastorat féminin, a déclaré avoir changé d’avis après la lecture de mon mémoire !
Freddy : les quatre premiers mois d’immersion dans la langue coréenne, à l’automne 2014, ont été très marquants. A l’université d’Ulsan, nous avions 4 heures de cours du lundi au vendredi et beaucoup de devoirs. Nous étions avec une dizaine d’autres étudiants, dont des Chinois. On a ensuite commencé les cours de théologie en février 2015. Avec une formation complète, progressive, comprenant de l’hébreu et du grec, et aussi une dimension pratique (évangélisation dans la société coréenne). En 2017, on m’a demandé de m’occuper du département des jeunes adultes. Il me fallait prêcher tous les dimanches, suivre les jeunes, faire des visites, organiser des retraites… En Coréen ! Au début, je pensais que je ne pouvais pas, que c’était impossible. Sans ma prière, le passage qui m’est venu, c’est l’appel de Moïse, « Je serai ta langue ». Ensuite, les choses se sont bien passées. Il a fallu apprendre à gérer des codes très différents chez les Sud-Coréens de ceux de la jeunesse française !
5/ Comment l’expérience coréenne a-t-elle transformé votre regard sur la France et la francophonie ?
Freddy et Fidelia : la Corée du Sud a élargi notre horizon et notre vision. Au cours de notre formation, nous avons notre assemblée d’église accueillir des chrétiens venus du Brésil, de Russie, des quatre coins du monde. La vision étant d’être centré sur Christ seul, prêcher Christ seul, pour sauver les âmes par Christ seul. Participer aussi à l’évangélisation active dans un pays fortement bouddhiste nous a aussi aguerris. Les chrétiens coréens ont beaucoup développé leurs églises, et sont aujourd’hui le deuxième pays au monde qui envoie le plus de missionnaires, après les Etats-Unis. Nous former en Corée du Sud dans ce contexte nous a donné plus d’optimisme pour la francophonie. Bien-sûr, on ne peut pas tout faire pareil. La laïcité, en France, ne rend pas toujours les choses faciles, mais le contexte en Corée n’était pas facile non plus et pourtant l’Évangile y a beaucoup progressé, et a fait sortir ce pays, en une génération, de la grande pauvreté. Pourquoi pas un réveil en France ? Et dans la francophonie ? Aller en mission en Guinée Conakry avec un ancien coréen a été révélateur. Cet ancien racontait que la Corée, dans sa jeunesse, était plus pauvre que la Guinée. Mais les choses peuvent changer. Le pasteur Ryu Kwang Su, visionnaire et fondateur de cette assemblée d’églises (que nous avons bien connu en Corée), a créé une grande mobilisation pour l’évangélisation mondiale au travers de la “Chambre haute” selon le livre des Actes. Seulement Christ au centre. C’est possible en France !