On y retrouve le pasteur et chantre congolais Marcel Boungou, qui est passé, en île-de-France, par toutes les étapes de la dialectique intégrative et interculturelle, de la quasi clandestinité d’un chanteur évangélique « sans papier » à la gloire d’un interprète sur le haut de l’affiche aux côtés de Ray Charles(1). A l’image de son itinéraire, la route est semée d’embûches pour les groupes musicaux. Trouver des salles adaptées, parvenir à mobiliser sur la durée des chorales importantes, financer les équipements nécessaires, médiatiser les événements et fidéliser le public constituent autant de défis avant la Terre promise d’une visibilité rémunératrice. Approximations, échecs, bricolages et jalousies sont le lot de beaucoup.
« Mona Lisa a apprécié notre visite »
Mais en dépit des obstacles, le Gospel francophone est bel et bien parvenu, à l’entrée du XXIe siècle, à se faire une place au soleil des variétés musicales françaises. Variétés musicales ? Le chantre Marcel Boungou n’est pas d’accord. « Le Gospel n’est pas une musique de variété. C’est l’expression de la foi en Dieu. », souligne-t-il en 2011, à l’occasion de ses 30 ans de carrière, l’année où il remplit le Casino de Paris le 16 avril 2011. La réalité est plus nuancée : le Gospel francophone fait bien partie désormais des « variétés », mais ce n’est pas qu’une variété. C’est aussi, pour celles et ceux qui veulent bien l’écouter ainsi, une expression spirituelle, celle d’un christianisme marqué par le sceau de la Grâce, de la libération, et de la rédemption.
Soulignons que cette émergence d’un Gospel francophone et français ne marque nulle rupture par rapport à l’hégémonie antérieure du Gospel nord-américain. Il s’agit d’un élargissement dans la continuité : artistes, chorales, « stars » du Gospel états-unien continuent à se produire en France, à l’image de Babbie Mason et son groupe Destiny Praise : interrogée par Jean-Luc Gadreau en 2006 à l’occasion d’une tournée en France, cette dernière affirme : « la musique gospel est bien plus saisissante que les plus grands discours »; soulignant que les Français « ont besoin d’ajouter de la joie à leur vie », elle rapporte avoir chanté lors de sa tournée précédente au Musée du Louvre, devant Mona Lisa : « J’ai chanté devant et je crois qu’elle a apprécié notre visite ! »(2)