Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur départ immédiat de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dimanche 28 janvier. Les trois États avaient pourtant intégré l’organisation lors de sa création en 1975, afin de favoriser la coopération entre ses membres, rappelle France 24. Au nombre de quinze jusque-là, ils ne sont désormais plus que douze. Dans un communiqué commun, les trois pays sortants expliquent : “Après quarante-neuf ans d’existence, les vaillants peuples du Burkina, du Mali et du Niger constatent avec beaucoup de regrets, d’amertume et une grande déception que leur organisation s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme.”
Dès le lendemain de leur annonce, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont transmis une “notification formelle” de retrait de la Cédéao, selon des sources officielles reprises par France 24. Leur décision n’a pas été prise sur un coup de tête. Entre les trois États et l’organisation, les relations sont tendues depuis des mois. Tout a commencé à la suite de l’arrivée au pouvoir de militaires.
Pas de légitimité des putschistes
Le premier coup d’État a eu lieu au Mali. Le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par l’armée. Une prise de pouvoir sur fond de grogne sociale. Dans la foulée, la France, les États-Unis ou encore l’Algérie, notamment, condamnent le putsch. La Cédéao, elle, publie un communiqué dans lequel elle “dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel”.
Une prise de position qui s’explique par les principes politiques dont l’organisation sous-régionale s’est peu à peu dotée. Son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance prévoit, ainsi, que “tout changement anticonstitutionnel est interdit, de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir”. Si bien qu’entre août 2020 et juillet 2022, elle a imposé deux embargos économiques contre le Mali. Des sanctions jugées “inhumaines, illégitimes et illégales” par les autorités de transition. Selon ces dernières, elles contreviennent aux libertés fondamentales de la population. La Cédéao, elle, réclame des engagements clairs quant à la tenue d’élections. Et ce, “dans un délai raisonnable”. Elle pense que c’est l’unique façon de s’assurer que les militaires ne s’installent pas au pouvoir.
Déloger les militaires
Le Burkina Faso, lui, a connu deux coups d’État en 2022. Le premier en janvier, le second en septembre. Et au Niger, le président Mohamed Bazoum a été renversé par les militaires, le 26 juillet 2023. C’était un proche allié de la France. À la suite de ces prises de pouvoir, la Cédéao a imposé de lourdes sanctions. D’ailleurs, le Niger est encore sous le coup d’un embargo économique. Mais les négociations sont compliquées.
Au point qu’en juillet 2022, après sa prise de fonction à la présidence tournante de l’organisation, le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló, demande la création d’une “force anti-putsch”. Puis, son successeur, le président nigérian Bola Tinubu, menace quant à lui d’envoyer une force militaire régionale afin de déloger les militaires putschistes du Niger. Il espère ainsi rétablir le président Bazoum au pouvoir.
Abus démocratiques
Devant ces annonces, les militaires putschistes dénoncent le “deux poids, deux mesures” d’une organisation dénonçant les coups d’État, mais qu’ils décrivent comme étant plus conciliante face aux abus démocratiques des présidents élus. Dans leur viseur figure, par exemple, la réélection à un troisième mandat du président ivoirien Alassane Ouattara, en 2020, rendu possible par l’adoption d’une nouvelle constitution.
De leur côté, les nouveaux hommes forts du Mali, du Niger et du Burkina Faso justifient leur coup d’État par la gravité de la menace terroriste. Ils reprochent également à la Cédéao son absence de soutien dans le domaine sécuritaire. D’abord limitée au nord du Mali, l’insécurité a progressé ces dernières années dans la région dite des trois frontières. Si bien que le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont confrontés aux attaques de groupes armés liés à Al-Qaïda et au groupe État islamique.
Nouvelles alliances
Un autre point important a joué dans la décision des trois États de quitter la Cédéao. Les alliances internationales et régionales ont évolué. Tour à tour, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont rompu leurs liens avec la France. Parallèlement, ils se sont rapprochés de la Russie. D’ailleurs, en septembre dernier, les trois pays ont conclu un pacte de défense mutuelle nommé l’Alliance des États du Sahel (AES). L’accord a pour objectif de renforcer leur collaboration dans la lutte contre les groupes terroristes. Il ambitionne enfin de se prémunir contre d’éventuelles interventions de forces armées. C’est le cas, notamment, de celle envisagée par la Cédéao au Niger.