Vous aussi vous êtes touché par l’épidémie de démission qui frappe le marché du travail français ? Selon une étude réalisée en mai 2022[1], 35% des travailleurs français interrogés déclarent n’avoir jamais eu autant envie de démissionner que maintenant.

Ce chiffre atteint les 42 % chez les moins de 35 ans. Le Big Quit, ce tsunami de démissions parti des Etats-Unis fin 2020, a aussi atteint la France.

Vous-même, vous vous dites que le marché est porteur – ou bien vous avez été « chassé » – ou vous ressassez parce que vous en avez plus qu’assez ? Vos raisons sont certainement valables, mais temporisez un peu.

Un simple ras-le-bol ne peut suffire à justifier un changement de vie aussi important qu’une démission, même si vous êtes attiré par les sirènes d’un autre job – ou même prêt à faire n’importe quoi d’autre pour partir. Car le travail est un des éléments structurants de notre existence, avec des impacts sur nos vies sociale, familiale, nos finances, notre équilibre psychique et émotionnel.

Je vous invite donc à examiner vos arguments en séparant les facteurs conjoncturels et structurels.

« Ce boulot, c’est n’importe quoi… »

Parmi les facteurs conjoncturels, souvent transitoires, on peut trouver une incompatibilité avec un collègue ou un chef, une orientation de travail sans moyens adaptés pour y faire face, un projet inintéressant, mais aussi une décision jugée stupide, une remarque vexante ou une opposition agaçante…

Les facteurs conjoncturels sont rarement graves, et révèlent des frictions inévitables quand on est dans un groupe, au travail comme ailleurs. Faut-il prendre la mouche aussitôt, et se draper dans sa superbe pour tenir tête ou avoir raison ?

C’est possible, mais c’est dommage, car vous risquez de le regretter. Et même si l’on dit que l’herbe est plus verte ailleurs, il y a fort à parier que votre mission future vous mette face à des râleurs, des incompétents, des gens qui ne respectent pas les délais ou se défilent pour laisser travailler les autres, des fournisseurs peu fiables ou des clients ingrats…

Vous vous ennuyez ? C’est un des premiers motifs de démission, et une raison valable. Mais n’est-elle pas dépassable ?

On ne trouve malheureusement pas de l’intérêt tout le temps, ni dans tout ce que l’on fait. Listez quand même les quelques points positifs dans ce que vous faites, au cas où l’ennui vous ait mis des œillères. Mais si cela fait trop longtemps que vous êtes dans ce poste, s’il n’y a plus de challenges, si vous avez atteint votre plafond d’évolution, il est peut être temps d’aller grandir ailleurs.

Dans toutes ces hypothèses, il peut être intéressant d’acquérir des techniques de prises de recul ou de communication assertive et efficace, comme en proposent la Programmation neuro-linguistique (PNL) ou la Communication non-violente (CNV). Un coach professionnel peut vous aider, et vous pouvez même mobiliser votre capacité à vous former pour cela.

« De toute façon, ça ne changera jamais… »

D’autres facteurs sont structurels et relèvent de difficultés plus profondes, inhérentes à la mission ou au fonctionnement, et manifestement intangibles. Citons en premier lieu l’obstacle ultime : les cas de harcèlement ou de violences au travail, qui constituent des risques psychosociaux contre lesquels tout salarié dispose de droits.

Si vous êtes confronté à une telle situation, ne démissionnez surtout pas mais référez-en au plus vite à votre responsable des ressources humaines, à un délégué du personnel, au médecin du travail ou à l’inspection du travail. Il s’agit d’une urgence absolue pour laquelle vous ne devez pas rester seul.

Portez la même attention à tous les signaux qui pourraient indiquer que vous êtes en stress chronique ou au bord du burn-out (fatigue inextinguible, lassitude, anxiété constante…). Soyez attentif à votre santé mentale et parlez-en en priorité à un médecin – votre généraliste, ou le service de santé de votre entreprise.

La perte de sens est souvent évoquée dans les causes de départ des collaborateurs. On ne comprend pas à quoi sert ce que l’on fait, on a la sensation d’être inutile, on désapprouve les choix faits ou affichés.

Les conflits sur le sens sont désagréables, mais surmontables. Il peut être intéressant dès lors de s’interroger sur la manière dont on trouve de l’épanouissement, au travail comme dans la vie en général. Demandez-vous pour « quoi » vous travaillez vraiment (cet article vous redonnera quelques suggestions) et comment vous pourriez retrouver de l’intérêt dans ce que vous faites, ou en vous investissant dans d’autres domaines. Interrogez-vous sur ce que signifie pour vous le « sens » (nous en avons débattu dans ce podcast). Réalisez aussi que des décalages sont possibles, mais non rédhibitoires. En avoir conscience est déjà une première étape d’acceptation.

Dans la même veine, je vous mets en garde contre les grandes remises en questions philosophiques, caractéristiques de la « crise de mi-temps de vie », cette période entre 45 et 50 où on a envie de tout envoyer promener. Penser que les planètes sont alignées pour vous permettre de changer radicalement votre existence peut être une illusion.

En revanche, un conflit sur les valeurs est souvent une facteur structurel indépassable. Si votre entreprise est incohérente entre son fonctionnement (notamment son management) et ses valeurs affichées, si elle utilise des méthodes de prospection abusives, si elle ment…, vous avez des raisons légitimes de ne plus vous sentir à votre place – et de refuser de contribuer à ces dérives.
Vous pouvez décider de lutter de l’intérieur, mais le défi est parfois insurmontable. Chercher un autre poste ou aller exercer vos talents ailleurs rétablira votre sentiment de justice.

Mais il peut s’agir aussi d’atteintes à ce que vous estimez être les fondamentaux du travail : l’équité, la technicité, le mérite, la reconnaissance… Beaucoup de salariés citent la reconnaissance de la valeur comme un élément essentiel dans l’exercice de leur métier.

Cette reconnaissance n’est pas que financière ou statutaire, elle interroge également la possibilité de progresser ou d’apprendre, l’évolution de carrière, la capacité à manager ou à étendre son périmètre. Dans ce cas de figure, changer pour progresser est un excellent moteur, à condition d’avoir une bonne connaissance de soi, de ses attentes et besoins, pour identifier le poste qui pourra le mieux convenir.

Vous réalisez qu’il est temps pour vous de bouger ? Dans le prochain article, nous évoquerons les meilleurs manières de le faire


[i] Etude OpinionWay pour Indeed