Depuis trois décennies, la laïcité est brandie comme un étendard pour lutter contre la peur d’une islamisation de société. Alors qu’à ses origines elle était perçue comme une valeur de gauche s’opposant au cléricalisme de l’Église catholique, elle passe aujourd’hui pour une valeur de droite tournée contre l’islam. Un islam considéré comme une religion étrangère à notre civilisation.
L’évolution de la société a fait que l’Église catholique, qui a lutté contre la laïcité au début du XXe siècle, a fini par s’en accommoder, puis par la revendiquer. Ce changement d’attitude reflète le passage d’une conception politique de son propre rôle, selon laquelle l’Église catholique pensait être appelée à diriger la société, à une conception éthique ou spirituelle, qui s’adresse d’abord à la conversion de ses fidèles vers plus de justice et d’humilité.
Si Gilbert Keith Chesterton disait que certaines vertus chrétiennes sont devenues folles, nous pouvons considérer la laïcité comme une vertu chrétienne devenue sage. Nous trouvons dans les Écritures plusieurs passages qui plaident en faveur d’une autonomie du politique à côté du religieux. Dans le Premier Testament, Moïse a institué des anciens pour diriger le peuple à côté des prêtres, et les rois qui ont voulu empiéter sur le domaine religieux ont été remis à leur place. Dans le Nouveau Testament, lorsqu’un homme a demandé à Jésus de trancher une question d’héritage, ce dernier l’a renvoyé au juge. Et quand on l’a interrogé pour savoir s’il fallait payer ses impôts, il a répondu oui, car s’il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, il faut aussi permettre à César d’être César. Enfin, dans les Actes des Apôtres, Paul a été protégé par les autorités romaines contre la foule instrumentalisée par les religieux qui voulaient le lyncher. L’État a souvent été le protecteur des minorités religieuses.
Ce parcours dans la Bible peut aussi se faire dans le Coran, où l’on trouve plusieurs sourates qui plaident en faveur d’une autonomie du politique par rapport au religieux et du respect des différentes traditions. Nous pouvons raisonnablement faire le pari de l’intelligence et de la sagesse et espérer qu’au contact d’une société plurielle, l’islam sera capable de faire le même chemin que celui qui a été parcouru par l’Église catholique.