Le vocable sobriété est le grand gagnant de l’automne, mis à toutes les sauces par les politiques, les associations soucieuses de l’environnement, les fournisseurs d’énergie… Comprenez qu’il faut désormais veiller à réduire notre consommation, que ce soit en électricité, gaz ou essence, avec toutes les conséquences sur notre vie de tous les jours : déplacements, chauffage de nos foyers, utilisation d’appareils courants – machine à lever, four… Mais cette frugalité attendue s’étend à notre consommation en général : alimentation, vêtements, voyages… Nous avons trop longtemps chanté tels des cigales, il faut à présent se comporter en fourmis.

Entre frustration et punition

Si chacun peut intégrer le bien-fondé et la nécessité de telles intentions, pour certains, ça coince vraiment. Car ces efforts s’ajoutent à des mois de contraintes déjà éprouvantes. Une crise écologique derrière une crise sanitaire, c’est vraiment très difficile à avaler. Et peut-être encore plus dans une société où il est facile de pointer des incohérences. J’ai déjà évoqué ces lanceurs d’alerte, qui dénoncent les stars et autres milliardaires énergétivores qui n’ont que faire de la sobriété dans leurs jets ou sur leur yacht. Ces comportements sont de plus en plus impopulaires, et déclenchent des salves de critiques sur les réseaux sociaux. Je ne m’étendrai pas sur la gabegie énergétique mais surtout humaine de la Coupe du Monde de football, d’autres se sont mieux exprimés que moi sur le sujet.

Dans un tel environnement, il apparaît aussi absurde que frustrant de faire des arbitrages personnels sur le choix de ses déplacements ou la température de son appartement. Et on est toujours tenté de regarder dans l’assiette de son voisin, avec envie ou colère, en pestant contre l’injustice qui consiste à faire peser les efforts toujours sur les mêmes. Ces sentiments, parfaitement compréhensibles, ne sont pourtant pas de nature à faciliter les changements indispensables.

Certaines marques ont commencé à surfer sur la sobriété – énergétique en particulier – mais ce marketing d’opportunité tombe un peu à plat. Personne n’a plus envie de rire sur ces sujets, car nous nous sentons comme des petits enfants pris en défaut, et sommés d’en faire encore davantage. Car nos dirigeants nous ont prévenus : si nous ne sommes pas capables de nous responsabiliser nous-mêmes, des mesures coercitives nous y contraindront.

De la contrainte à la créativité

Pour autant, avons-nous le choix ? Et ça n’est certainement pas en restant bloqués sur « la fin de l’abondance » (une formule malheureuse qui a provoqué un tollé) que nous allons avancer. Alors, plutôt que de râler (une spécialité bien française) et de ne voir que le négatif de la situation – et qui va empirer si l’on ne change rien, si on essayait d’en tirer le meilleur ? En étant créatif, en innovant, et pour en ressentir de la fierté, par exemple ? L’Inde est un modèle et un précurseur dans ce domaine, en ayant opté pour le jugaad, une approche d’innovation frugale – ou quand l’intelligence remplace l’abondance.

Selon Pierre Galio, de l’ADEME (agence de la transition écologique), « La sobriété, dans notre vie quotidienne, renvoie généralement au « moins mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie (et non pas niveau de vie) »[i]. Elle n’a rien à voir avec une forme de décroissance, et ne signe pas une régression de notre qualité de vie, bien au contraire.

Garder une vie heureuse, passionnante, veiller à son bien-être sans peser pour autant sur les ressources limitées de l’environnement, c’est finalement un programme qui pourrait devenir acceptable, et le défi qui attend chacun de nous.

Et je me dis aussi que ce pourrait être un challenge à partager en famille, ou avec des amis : comment faire autrement, gaiement, et sans s’empêcher de vivre ?

9 pistes pour remettre en question ses habitudes et trouver des solutions frugales mais confortables :

1- On suit les conseils de Qualitel, pour un logement éco-responsable , en adoptant les bonnes pratiques liées à l’énergie, au chauffage ou à la climatisation, à la gestion des déchets ou à l’impact sur l’environnement.

2- On assure une deuxième vie à ses appareils ménagers en les déposant dans un point de collecte EcoSystème.

3- Le podcast Ozé interviewe celles et ceux qui ont des bonnes idées pour un monde durable.

4- Les Ecolos humanistes ont réalisé un kit de prêt entre voisins et vous proposent de calculer votre RIB (revenu induit par vos besoins). Ramené aux heures de travail nécessaires pour financer ces besoins, ça calme !

5- On s’informe sur les démarches et les aides publiques pour faciliter la transition énergétique de son logement ou de ses déplacements.

6- On suit les tutoriels des Repairs Cafés, ou on trouve un lieu pour bricoler/réparer avec les outils sur place et se faire expliquer les bons gestes.

7- On trouve des idées pour son foyer ou sa consommation parmi les 408 propositions recensées par Ça commence par moi, une communauté d’acteurs éco-citoyens. Dans cette vaste banque de données, les tips au quotidien pour la maison, l’alimentation ou les loisirs côtoient des engagements plus citoyens, voire politiques.

8- On s’informe avec Greenly sur le tourisme responsable. Voyager, oui, mais en veillant à certains critères.

9- On trouve des lectures inspirantes dans la bibliographie « sobriété » proposée par Babelio.

[i] La Tribune, 31 aout 2022