Parfois, dans la parole politique, rien ne va, ni sur le fond ni sur la forme, au point que l’on se prend à croire à la possibilité d’un sabotage volontaire des communs de la République. En l’occurrence, Laurent Wauquiez accumule tant de contresens en proposant une déportation à Saint-Pierre-et-Miquelon d’« étrangers dangereux sous OQTF » que le problème n’est pas tant le fait que la course aux postes chez les Républicains l’amène à faire assaut de radicalité démagogique sur le thème de l’immigration. Wauquiez réveille surtout un imaginaire d’un autre siècle – et pas le siècle le plus reluisant de l’histoire mondiale de la France. 

Parler d’envoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon des étrangers dont la France ne voudrait pas, en énumérant « cinq degrés de moyenne pendant l’année, […] 146 jours de pluie et de neige », lui a valu l’outrage paradoxal d’être rabroué par Marine Le Pen appelant au respect de la population d’une collectivité d’outre-mer. Car Wauquiez exhibe la mentalité qui fit installer des bagnes en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Cette pire incarnation du colonialisme considère le monde tout entier comme l’arrière-cour de la France : on s’y débarrasse des pollutions et des hontes d’une « métropole » écœurée par certaines de ses propres réalités. 

Outre l’outrage fait à la population de l’archipel (dont le drapeau, rappelons-le, associe les symboles de la Bretagne, de la Normandie et du Pays basque), Wauquiez affiche une conception de l’outre-mer français que tous les pouvoirs politiques ont, depuis des décennies, cherché à effacer. Il semble ne voir que des territoires utilitaires et des populations soumises aux caprices de Paris – ce que l’on appelait colonies et qui n’existera plus.

Bertrand Dicale, journaliste, pour « L’œil de Réforme »

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