Après sa condamnation, Marine Le Pen a martelé qu’elle était la victime d’une décision politique : « Le système a sorti la bombe nucléaire. Alors, mes amis, n’oubliez jamais les raisons pour lesquelles ils nous attaquent si durement. Ils ne font cela que pour une seule raison : nous sommes en train de gagner ! » Une rhétorique reprise par ses partisans, comme Jean-Philippe Tanguy : « Un quarteron de procureurs et de juges prétend sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant : le RN. »

Cette posture a eu pour premier effet de faire prendre l’accessoire pour le principal, laissant dans l’ombre les éléments objectifs qui ont caractérisé le délit de détournement de fonds publics par des élus. Mais elle a également permis de reprendre l’antienne du combattant antisystème, défenseur du peuple brimé par des forces occultes.

Un système est un ensemble ordonné qui répond à des règles de fonctionnement. Il doit être qualifié pour être clairement identifié : système solaire, sanguin, judiciaire. Le « système » ici invoqué est indéfini, il ne se rapporte à rien de précis. C’est cette imprécision, cette malléabilité qui est utilisée afin de désigner un ennemi sans le nommer, de dénoncer des adversaires jamais identifiés et de se lever contre des forces d’autant plus dangereuses qu’elles restent dans l’ombre. Dénonce-t-on un système politique, médiatique, judiciaire, ou tout à la fois ?

L’orateur crée ainsi une connivence avec son auditoire. On ne désigne pas vraiment l’ennemi mais l’on se comprend à demi-mot. Chacun peut alors laisser libre cours à ses fantasmes et se sentir flatté d’être de ceux qui ne sont pas dupes. Ultime ruse : le dénonciateur fait oublier qu’il est lui-même un pur produit du système.

Jean-Marc Defossez, magistrat, pour « L’œil de Réforme »

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