Dans la nouvelle édition de son classement de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) n’y va pas par quatre chemins : “À l’échelle internationale, cette année s’illustre par une absence manifeste de volonté politique de la communauté internationale à faire appliquer les principes de protection des journalistes, et tout particulièrement la résolution 2222 du Conseil de sécurité de l’ONU.” Anne Bocandé, directrice éditoriale de RSF, illustre cette analyse en pointant “la baisse de l’indicateur politique, un des cinq indicateurs de l’Index. Les États et des forces politiques, quel que soit leur bord, jouent de moins en moins leur rôle dans la protection de la liberté de la presse. Cette déresponsabilisation va parfois de pair avec une remise en cause du rôle des journalistes, voire une instrumentalisation des médias dans des campagnes de harcèlement ou de désinformation. Dans ce contexte, la France progresse un peu. Elle passe de la 24e place à la 21e.

Pour établir son 22e classement, l’ONG prend en compte cinq critères : politique, légal, économique, socioculturel et sécurité. Cette année, l’indicateur politique chute de 7,6 points. Ce qui fait dire à RSF que de plus en plus d’États ne garantissent pas au public une information fiable et indépendante. La situation s’est, par exemple, détériorée en Afghanistan, en Syrie et en Érythrée désormais derniers du classement en lieu et place de la Chine, du Viêtnam et de la Corée du Nord. L’Afghanistan “ne cesse de réprimer le journalisme depuis le retour au pouvoir des talibans”, souligne RSF. Quant à la Syrie et à l’Érythrée, il s’agit de “zones de non-droit pour les médias, avec un nombre record de journalistes détenus, disparus ou otages”.

La croisade russe contre le journalisme indépendant

Autre point mis en avant par l’ONG : “Une absence manifeste de volonté politique de la communauté internationale à faire appliquer les principes de protection des journalistes.” Des propos illustrés par la situation au Proche-Orient. RSF estime que la guerre à Gaza est “marquée par un nombre record d’exactions commises contre les journalistes et les médias depuis octobre 2023”. Les conditions des journalistes se sont également dégradées en Europe de l’Est et en Asie centrale dans le contexte de la guerre en Ukraine et et du fait de l’intensification de la censure de médias. La Russie, 162e du classement, “continue sa croisade contre le journalisme indépendant”. Pire, son influence se propage au Bélarus, en Géorgie, au Kirghizistan, en Azerbaïdjan et même en Serbie, où des médias pro-gouvernementaux “diffusent de la propagande russe et où les autorités menacent des journalistes russes exilés”.

Tout en haut du classement, la Norvège conserve la première place. Elle l’occupe depuis huit ans. Deuxième en 2023, l’Irlande tombe à la huitième place, à cause “des intimidations judiciaires de la part des formations politiques visant des médias”, à Dublin, précise RSF.

Des « prédateurs revendiqués de la liberté de la presse »

De manière générale, l’ONG alerte aussi sur les pressions très fortes que risque de subir la presse en cette année électorale. En 2024, plus de deux milliards de citoyens sont appelés aux urnes. En 2023, en Amérique latine, notamment, “l’arrivée au pouvoir de prédateurs revendiqués de la liberté de la presse et de la pluralité de l’information” a, par exemple, eu pour effet de voir l’Argentine dégringoler de vingt-six places dans le classement.