Docteur en anthropologie (EHESS), chercheur spécialisé sur les Églises africaines postcoloniales, Bernard Coyault est aussi, depuis 2019, le doyen de la Faculté Universitaire de Théologie Protestante (FUTP) de Bruxelles. C’est à ce titre qu’il organise, avec son équipe, un événement scientifique de première importance, les 19 et 20 octobre 2022 à Bruxelles.
L’idée force ? Se pencher de plus près sur la condition afropéenne, du point de vue des femmes.
Tel est l’objet du magnifique colloque qui nous est proposé par la FUTP. Un copieux parterre d’intervenantes et intervenants se succéderont, dans la capitale de l’Union européenne, pour faire avancer ces réflexions sur les enjeux d’identité posés par les recompositions du lien entre Afrique et Europe.
Intitulé « Nommer sa condition. Afropéanité et conditions féminines », l’événement s’inscrit dans le cadre du lancement d’un centre de recherche, le CARES (Centre for Afro-European and Religious Studies).
Le Dr Mukwege et Leonora Miano à l’honneur
Ce colloque pluridisciplinaire a reçu le soutien des communes de Bruxelles et d’Etterbeek. Il bénéficiera de la participation exceptionnelle du Docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018 et de Madame Léonora Miano, écrivaine, qui recevront tous deux le doctorat honoris causa lors d’un événement dédié, organisé le 19 octobre au soir.
Six axes sont proposés. Dans « la condition afropéenne du point de vue des femmes » (axe 1), la première réflexion collective sera en particulier éclairée par l’apport de Leonora Miano, qui propose la synthèse suivante : « est dite afropéenne une personne d’ascendance subsaharienne, née ou élevée en Europe. […] Les concernés sont avant tout dépositaires d’un vécu européen mais aussi d’un héritage culturel africain qu’ils ne souhaitent pas congédier, ils ne connaissent que la vie en situation de minorité, l’existence d’un espace rétif à se reconnaître en eux » (1).
Dans l’axe 2, « dynamiques d’engagement dans les domaines économique, culturel et socio-politique », le colloque de la FUTP braque le projecteur sur les nombreuses contributions afropéennes à la vie économique, sociale, culturelle et politique en Europe. L’objectif est de mettre en évidence les « dynamiques individuelles et communautaires qui sont à l’œuvre, les réseaux qui les portent, les buts poursuivis et les valeurs de référence – y compris religieuses – qui sont mobilisées ».
« Habiter leur différence d’afropéennes croyantes »
Consacré aux recompositions des modèles familiaux, le troisième axe questionne la diversification des appartenances et des types de sociabilité, ouvrant sur un axe 4 consacré aux « discriminations, rapports au corps et enjeux de l’analyse intersectionnelle ».
Par intersectionnalité, les organisateurs entendent une réflexion croisée sur les « discriminations multiples (genre, classe sociale, religion, couleur de peau, origine ethno-raciale) vécues par les afropéennes ».
Après un cinquième axe consacré aux « figures féminines historiques et légendaires dans l’histoire africaine et des Afriques dans le monde », le sixième et dernier axe se penche directement sur les questions religieuses, et notamment le protestantisme.
L’argumentaire du colloque explicite ainsi les enjeux posés : « Située entre deux univers symboliques dont elle est supposée accueillir et transmettre les référentiels culturels et religieux, l’afropéenne négocie entre contrainte et subversion, tradition et innovation, sujétion et émancipation. A quelles formes de participation et de leadership religieux les femmes afropéennes ont-elles accès ? Quelles sont les possibilités d’une autonomie sociale et religieuse au regard de traditions patriarcales ou matriarcales prégnantes ? Quelle place leur est accordée dans l’espace public les autorisant à habiter leur différence d’afropéennes croyantes engagées dans une transmission à la fois fidèle et porteuse d’ouverture et de dépassement d’une histoire confisquée ? »
Autant de questions auxquelles répondront les intervenantes et les intervenants invités par la FUTP. A noter que ce colloque des 19 et 20 octobre 2022 sera accueilli par Lydia Mutyebele, échevine à l’égalité des chances à Bruxelles. Lydia Mutyebele est par ailleurs une figure bien connue du protestantisme postcolonial belge.
La synthèse finale sera proposée par Fatoumata Fathy Sidibé (députée honoraire au Parlement bruxellois, écrivaine), et Ali Benmakhlouf (philosophe, Université Paris Est Créteil). A suivre !
(1) Leonora Miano, Afropea. Utopie post-occidentale et post-raciste, Paris, Grasset, 2020, p.51.