Les faits sont là : entre Emmanuel Macron et les Français, le courant ne passe plus, le divorce est consommé. Mon expérience des couples qui se séparent est que, si les torts sont rarement partagés à 50-50, il y a toujours une part de responsabilité qui incombe à chacun. On ne peut avancer que si on le reconnaît.
D’un côté, les Français ont une grande propension à n’aborder les problèmes qu’à partir de leurs intérêts catégoriels. Les manifestations contre les projets gouvernementaux ont toujours existé lorsqu’ils demandaient des efforts aux uns ou aux autres. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont utilisé l’article 49.3 de la Constitution quand leur majorité parlementaire était menacée, mais ces mêmes politiques trouvent que c’est un déni de démocratie quand ils sont dans l’opposition. La cote de popularité du président Macron est faible, mais pas plus que celle de tous ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, depuis quarante ans. Ils ont tous retrouvé une certaine popularité quand ils ont quitté le pouvoir ; gageons qu’il en sera de même avec Emmanuel Macron.
Mieux écouter les corps intermédiaires
De l’autre côté, on dit du président de la République qu’il travaille entre 18 et 20 heures par jour et qu’il dort peu. Si sa capacité de travail a quelque chose de fascinant, elle est aussi inquiétante. Le dalaï-lama a dit que le sommeil était la meilleure des méditations, la Torah demande d’arrêter de travailler un jour par semaine et le livre du Deutéronome dit que le roi devrait prendre un temps de spiritualité tous les jours (Dt 17, 18-10). Ce qu’il manque peut-être au chef de l’État, c’est le temps de la méditation pour penser sa gouvernance, pour prêter plus d’attention aux corps intermédiaires et prendre le temps de « sentir » le pays pour mieux lui parler.
Alors que nous sommes arrivés à ce point de rupture, comment avancer ? Pour reprendre la métaphore des divorces, il faut mettre de la loi dans les relations. En politique, c’est le suffrage universel – l’échéance est dans quatre ans. On verra alors si le prochain président reviendra sur l’âge de la retraite. En attendant, il y a d’autres chantiers à entreprendre, notamment dans le registre du travail. Il faut pour cela recommencer à se parler. Une casserole, ça exprime un mécontentement, ça fait du bruit, mais ça ne parle pas.