C’est la fin d’un mythe. La séquence télévisuelle du 28 février, dans le Bureau ovale, mettant en scène les différends entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et les président et vice-président étatsuniens Donald Trump et JD Vance n’a pas seulement eu les conséquences diplomatiques et géopolitiques que l’on connaît. Ces conséquences seront probablement amoindries par le temps et divers rétropédalages. Mais un effet secondaire risque de perdurer, comme un malaise actant l’effondrement d’un mythe, celui du héros américain magnifié par plus de 70 ans de propagande hollywoodienne. Celui du cow-boy redresseur de torts, prêt à affronter plus fort que lui pourvu que la cause soit juste et qu’il s’agisse de venir en aide à la veuve et à l’orphelin.
Car dans le Bureau ovale, le duo Trump-Vance était loin d’incarner des figures de héros telles qu’Hollywood sait si bien les proposer. Sans tomber dans le manichéisme mais en étant seulement un tantinet caricatural, ce duo présidentiel ressemblait davantage aux ranchers – tout en grossièreté et en provocation – dirigés par Ryker dans le western mythique de 1953, «L’homme des vallées perdues», qu’au placide et tourmenté Shane, cow-boy solitaire et sauveur des fermiers opprimés joué par Alan Ladd.
Bien sûr, personne n’est dupe. Cette figure du héros étatsunien reste un mythe, et pas plus en 1944 en débarquant sur les plages de Normandie qu’en bombardant Bagdad en 2003, les Etats-Unis n’ont agi uniquement de manière juste et désintéressée pour sauver le monde libre et apporter (ou rétablir) la démocratie. Cependant, cette insistance sur les retombées financières directes d’une aide militaire, ce discours décomplexé sur l’argent cruellement dénué d’élégance, marquent la fin d’un mythe. Un rêve s’est brisé, une pudeur a disparu. Un empire s’effondre?
Vous me direz sûrement que ce n’est pas grave, qu’un mythe ce n’est pas la réalité, ce n’est qu’une […]