En 2018, nous commémorons les 50 ans de la mort de Martin Luther King. Cet anniversaire a-t-il un sens ici en France et en Europe ?
Un anniversaire, en l’occurrence celui de Martin Luther King, a du sens s’il ne s’agit pas simplement de lui dresser une statue. Ce peut être l’occasion de raconter son histoire, de souligner un certain nombre de questions toujours d’actualité et de mettre l’accent sur les nouveaux défis qui sont devant nous. Dans cette perspective, l’action et la pensée du prédicateur, les intuitions qu’il a eues et les audaces dont il a fait preuve me semblent encore tout à fait stimulantes, notamment pour les Églises.
On connaît la lutte de Martin Luther King en faveur des droits civiques des Noirs aux États-Unis mais il y en a eu d’autres : De quelle nature est le lien qui relie ses différents combats ?
Mon regard est bien sûr orienté par ma position de pasteur. Les dix premières années de son engagement sont marquées par la lutte contre la ségrégation. D’autres organisations que celle de King y participent et elles travaillent de concert. Au fur et à mesure des années et des combats menés, la prise en compte de la problématique du racisme est de plus en plus importante, profonde. Lorsque Martin Luther King s’attaque à la question de la pauvreté et à celle de l’engagement militaire des États-Unis au Vietnam, il ne mène pas un autre combat, c’est le même qu’il poursuit.
D’une part parce que la pauvreté touche particulièrement les Noirs, mais pas seulement. Quand il est assassiné, en 1968, Martin Luther King est précisément en train de mettre en place, avec d’autres organisations, une immense campagne qui doit avoir lieu à l’été. L’idée est de rassembler à Washington des représentants de toutes les communautés les plus défavorisées des États-Unis : des Noirs, bien sûr, mais aussi des Blancs (même si ce ne sont pas les plus nombreux), des Indiens, des Chicanos, etc. Malheureusement, King est tué en avril et il n’assistera pas à l’événement…
Pour le Vietnam, il donne un exemple simple : deux soldats, un Noir et un Blanc, peuvent lutter côte à côte dans la même compagnie mais s’ils sont tués, ils ne peuvent pas être enterrés dans le même cimetière. Encore une fois, la question raciale est au cœur de cet engagement.
Si ces différents sujets de lutte s’inscrivent dans le prolongement les uns des autres, comment expliquer que King ait été si mal compris, surtout au sujet de la guerre du Vietnam ?
Rappelons que le mouvement des droits civiques commence à Montgomery en 1955, par un boycott des bus qui s’étendra jusqu’en 1965. Il se clora par la marche pacifiste de Selma à Montgomery. Pendant plus de 380 jours, les gens vont à pied. Il faut envisager ce que cela implique, les efforts, le découragement… Finalement, cette campagne débouche sur la réaffirmation du droit de vote des Noirs.
En dix ans, d’importantes avancées ont eu lieu. En 1966, le black power fait entendre un premier cri qui va trouver de l’écho. On ne veut plus simplement la réconciliation, la liberté – des termes extrêmement généreux et généraux – mais aussi du pouvoir. Martin Luther King est très attentif à cette revendication qui monte, notamment chez […]