L’année 2021 sera peut-être l’occasion pour l’Europe, si elle sait la saisir, de s’affirmer enfin comme une puissance reconnue et respectée sur la scène internationale.
Cette occasion est liée à trois événements qui changeront, ou non, la donne sur le terrain diplomatique :
- le Brexit, entré en vigueur le 1er janvier, qui libère l’Union européenne, pour le meilleur ou pour le pire, du poids du Royaume-Uni et l’invite à se relancer après cette douloureuse amputation ;
- l’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis, qui doit permettre de restaurer la relation transatlantique après le mandat chaotique de Donald Trump, qui l’a profondément affaiblie ;
- le départ annoncé d’Angela Merkel, au lendemain des élections législatives du 26 septembre, qui pourrait affecter la politique européenne de l’Allemagne.
Ces trois événements distincts ne seront pas sans effet sur l’avenir de l’Europe et sur son action dans le monde.
La sécession du Royaume-Uni est certes une perte pour l’Union européenne mais elle peut être aussi une chance pour les Vingt-Sept, si le départ des Britanniques leur permet d’aller plus loin dans l’approfondissement de leur union, un objectif que Londres, au nom du respect des souverainetés nationales, a toujours rejeté. Ceux des Etats qui s’abritaient derrière les vetos britanniques pour freiner la marche vers l’unité sont donc appelés à prendre leurs responsabilités : sont-ils prêts à soutenir vraiment le projet européen, une fois le Royaume-Uni sorti de l’union ? Pour le moment, la réponse est positive. Plusieurs initiatives prises en commun récemment par les gouvernements européens – de l’audacieux plan de relance économique aux tentatives de régulation des GAFA en passant par la lutte contre le changement climatique et, bien sûr, la coordination des politiques de vaccination – suggèrent que l’idée d’une « souveraineté européenne » progresse.
Cette souveraineté à conquérir, parfois baptisée plus modestement « autonomie stratégique », les Européens sont nombreux à penser qu’elle devrait bénéficier de l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Certes les intentions du successeur de Donald Trump sont encore mal connues et le monde ne va pas devenir moins dur parce qu’un président américain en remplace un autre, aussi brutal et imprévisible fût ce dernier. Joe Biden n’a d’ailleurs pas caché qu’il entendait conforter le « leadership » de l’Amérique. Mais le nouveau président s’est dit partisan résolu du multilatéralisme, ce qui annonce au moins un nouveau style et une plus grande ouverture à l’égard de ses alliés. La Commission européenne a aussitôt pris acte de ce changement en saluant, au lendemain de l’élection de Joe Biden, « une occasion historique d’élaborer un nouveau programme transatlantique de coopération ». Il appartient aux Européens de montrer qu’ils sont prêts à y tenir toute leur place.
Parmi les Européens, l’Allemagne et la France sont traditionnellement les deux acteurs les plus déterminés à accroître le rôle de l’UE face aux autres puissances. Leurs dirigeants se sont engagés l’un et l’autre en faveur d’une Europe forte, Emmanuel Macron depuis le début de son mandat, Angela Merkel après quelques années au pouvoir. De leur avenir personnel dépend en partie celui de l’Union européenne. S’il est trop tôt pour spéculer sur une éventuelle réélection d’Emmanuel Macron en mai 2022, on sait déjà qu’Angela Merkel quittera ses fonctions en septembre 2021 après seize années à la tête du gouvernement. La question est de savoir si son successeur restera fidèle aux engagements de la chancelière et si le tournant pro-européen que celle-ci a imprimé à la politique de son pays sera entériné par celui (ou celle) qui la remplacera. C’est une des inconnues de 2021.