Dans sa conception du gouvernement, le président américain, Donald Trump, aspire à un pouvoir autoritaire au même titre que Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan ou Xi Jinping. La différence entre les États-Unis, la Russie, la Turquie ou la Chine est que les premiers sont une démocratie dans laquelle demeurent des contre-pouvoirs, alors qu’ils sont muselés dans les trois autres. C’est dire les enjeux de notre article sur la vitalité de la démocratie étasunienne.

Pour penser l’importance des contre-pouvoirs, nous pouvons faire un détour biblique et revenir au livre de l’Exode, qui marque la libération du peuple et la constitution des enfants d’Israël en une nation. Pendant cette marche vers la liberté, Moïse a institué trois ordres : des juges, des prêtres et des anciens, ce qui correspond à une première séparation des pouvoirs entre le judiciaire, le religieux et le politique. Par la suite a émergé un quatrième pouvoir, celui des prophètes, qu’on peut assimiler au pouvoir d’interpellation au nom de la justice.

« Ton pouvoir ne tiendra pas »

Nous prendrons deux exemples sur les bénéfices du maintien de cette distinction. Le premier roi s’appelait Saül. Il a été choisi par Dieu, pourtant il a fait une faute qui a conduit à sa perte : alors qu’il se préparait à livrer une bataille contre les Philistins, comme le prêtre tardait à venir, il a offert un sacrifice pour demander à Dieu de bénir son armée. Quand Samuel est arrivé et qu’il a appris ce qu’avait fait le roi, il a prononcé la sanction : « Ton pouvoir ne tiendra pas » (1 S 13, 13-14). Saül a été déchu parce qu’il n’a pas respecté la séparation du politique et du religieux.

Le deuxième exemple concerne le rôle des prophètes, chargés de dénoncer les injustices et de rappeler aux rois qu’il existe une loi au-dessus d’eux. Parce que les prophètes gênaient, les rois ont eu tendance à susciter des prophètes de cour affirmant que tout ce qu’ils faisaient était juste. Les sages ont remarqué que lorsque le roi se laissait interpeller par le prophète – comme sous le règne de David – le pays prospérait alors que lorsque le souverain voulait contrôler la parole des prophètes, le royaume déclinait. Pour revenir à l’actualité, la vitalité d’une démocratie repose sur la juste place occupée par les différents pouvoirs au sein des institutions. Le président Trump a la volonté de juguler les contre-pouvoirs, en a-t-il la possibilité ? Sauront-ils résister ? De la réponse à ces questions dépend l’avenir de la plus vieille démocratie du monde moderne.