Je suis chrétien et fier de l’être : c’est par ces belles paroles que Donald Trump a répondu à une attaque indirecte du pape, qui accuse ceux qui veulent construire un mur pour séparer le Mexique des États-Unis de ne pas être chrétiens. Cette déclaration du candidat est-elle à prendre au sérieux ? Mais qu’y a-t-il à prendre au sérieux chez Trump, lui qui fait son possible, dirait-on, pour sortir tous les jours une déclaration tonitruante ?

Faire le « buzz »

La démocratie américaine est un modèle pour de nombreux pays dans le monde. Cependant, lorsque tous les quatre ans reviennent les élections pour la présidence, nous assistons à un spectacle qui rend perplexes de nombreux Français. Cette fois-ci, c’est le candidat Donald Trump qui « fait le buzz ». Connu jusque-là surtout dans les rubriques « people » pour ses mariages spectaculaires et ses résidences d’un mauvais goût très sûr, Trump n’était pas pris au sérieux par l’état-major du parti républicain. Mais il est riche, c’est même grâce à cela qu’il a pu se présenter. Les campagnes américaines coûtent des fortunes car elles ne sont pas limitées par la loi. Il faut matraquer les électeurs par des spots publicitaires, qui ne se contentent pas de vanter les mérites du candidat mais aussi attaquent ses adversaires par tous les arguments possibles, qui débordent largement du champ politique. Piètre spectacle autant que source d’inquiétude pour l’avenir : comment ces gens-là vont-ils gouverner la première puissance mondiale ?

Discours de haine

Trump, qui faisait office de bouffon pour l’intelligentsia américaine, est devenu un danger pour les républicains depuis qu’il remporte les États, les uns après les autres, dans la course aux investitures. Les gens sérieux – ils existent – s’affolent à la perspective de retrouver Trump face à Hillary Clinton pour les élections et n’en peuvent plus de l’entendre déblatérer à tort et à travers : construire un mur entre le Mexique et les États-Unis (avec quel argent ? celui du Mexique !), refuser de condamner le Ku Klux Klan, faire des blagues sexistes, la liste est très longue.

Le mouvement Black lives matter (la vie des Noirs compte) est intervenu dans ses meetings avec des slogans du type votre discours de haine tue des gens. Un exemple édifiant concerne la torture : après avoir dit qu’il fallait interdire aux musulmans d’entrer aux États-Unis, il a réclamé le retour de la torture pour interroger les terroristes, ainsi que la nécessité de tuer leurs familles. Devant le tollé, il est revenu en arrière en précisant qu’il ne ferait rien d’illégal. Attaqué sur cette volte-face, Trump ne s’est pas démonté : il a déclaré qu’on pouvait changer les lois, et que par ailleurs il faut savoir faire preuve de flexibilité pour réussir. Comment mieux dire qu’il défend n’importe quelle position, pourvu qu’elle lui apporte des électeurs ?

Attention à la contagion

Ce qu’il y a d’inquiétant dans cette dérive américaine est cette tendance à ne plus s’intéresser au fond pour préférer la forme : extraire d’un discours non le programme des mesures envisagées mais la « petite phrase » qui attirera (croient les journalistes) le public. Affaires judiciaires en cours, vie privée, couleur de la cravate ou hauteur des talons, promesses intenables, tout semble bon pour éviter de parler des choses importantes : vision de la politique étrangère ou évolutions économiques réalistes. Aux électeurs d’être vigilants pour ne pas tomber dans le piège du populisme, dont Donald Trump fait son miel et qui pourrait bien être imité, si ce n’est pas déjà fait dans une moindre mesure, par de trop nombreux politiques en France, de tous bords. Et qui a peu de choses à voir avec le christianisme.