Depuis le 4 avril, les réfugiés qui se trouvent en Grèce sont renvoyés en Turquie, comme prévu par l’accord controversé signé le 18 mars entre la Turquie et le Conseil européen, dans le but de gérer les flux migratoires. Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, un autre sera transféré de la Turquie vers l’Union européenne, avec un seuil fixé à 72 000 personnes. Dans le cadre de cet accord, l’Union européenne versera six milliards d’euros à Ankara. Le 29 février, 97 réfugiés syriens sont arrivés à Fiumicino, l’aéroport de Rome, dans le cadre du projet de corridors humanitaires initié par la Fédération des Églises protestantes en Italie (FEPI), et porté avec la communauté Sant’Egidio et la Table vaudoise (organe exécutif des Églises vaudoises et méthodistes). En tout, un millier de personnes arriveront en Italie au cours des deux prochaines années grâce à cette initiative entièrement autofinancée.

Une alternative au pacte entre Bruxelles et Ankara

Luca Maria Negro, président de la FEPI, et Marco Impagliazzo, président de la communauté de Sant’Egidio, ont souligné lors d’une conférence de presse l’originalité de ce projet ainsi que la possibilité de le dupliquer dans n’importe quel autre pays européen. Bien que cela ne concerne qu’un nombre très limité de personnes, l’initiative sans précédent des « corridors humanitaires » souligne l’importance du modèle proposé, qui peut être repris dans d’autres États membres de l’espace Schengen, rappelait Luca Maria Negro. Grâce à ce projet œcuménique, il est prouvé que les passages légaux et sûrs sont possibles en Europe ; que vous pouvez ne pas risquer votre vie en mer ; que vous pouvez contrer les passeurs et leur trafic mortel ; qu’il est possible de parvenir à faire respecter le droit des personnes à la sécurité et à la dignité ! Il est possible de prendre d’autres dispositions que celles du traité signé entre le Conseil européen et la Turquie. Les « corridors humanitaires » impliquent les bénéficiaires dans leur accueil et dans le processus de leur intégration par le biais de diverses installations exploitées par la FEPI, par la Commission synodale pour le diaconat des Églises vaudoises et méthodistes, par la communauté Sant’Egidio et les associations qui ont adhéré au projet. Alors qu’aujourd’hui, qui peut nous dire quel sera le sort des personnes qui ont été renvoyées en urgence vers la Turquie depuis les îles grecques ?

Utiliser les visas pour raisons humanitaires de Schengen

Un premier grand groupe de personnes à bénéficier de ces corridors humanitaires est arrivé à Fiumicino le 29 février par un vol régulier en provenance de Beyrouth. Originaires de différentes villes syriennes, musulmans pour la plupart, mais aussi chrétiens, ces premiers bénéficiaires – 97 réfugiés, dont 43 enfants – ont vécu, en moyenne, pendant trois ans au Liban, dans de petits camps spontanés, des logements de fortune. En Italie, ils ont été accueillis dans des maisons et des abris à Rome et dans le Latium, en Émilie Romagne, dans le Trentin et le Piémont. 94 autres réfugiés sont arrivés début mai dans les mêmes conditions de sécurité et de dignité, grâce à l’utilisation des visas pour raisons humanitaires, prévus par le traité de Schengen, qui leur permet d’entrer en toute légalité en Italie où ils peuvent, à leur arrivée, faire une demande de régularisation en tant que réfugiés. Cette opération est financée principalement par le huit pour mille (Otto per mille), dispositif fiscal permettant à tout contribuable italien de verser une part de son impôt à l’organisme de son choix et dont bénéficient très largement l’Église vaudoise et ses œuvres.