C’est dur ici, confie Azad*, avant de retomber dans le silence. Les gens ont faim, froid et peur et on ne peut rien faire. Il est assis en tailleur sur le sol d’un petit abri. Le camp compte près de 7 000 personnes qui fuient la guerre, la répression, la débâcle économique et les changements climatiques qui frappent des pays tels que la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, le Soudan, l’Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie.

Un voyage d’incertitudes

Azad dort dans cet abri avec quatre autres hommes, à même le sol. Ils dorment serrés les uns contre les autres. L’espace est très étroit et il y fait froid. Son histoire n’a rien d’inhabituel dans le camp. Il a eu des difficultés à sortir du territoire syrien ; il a traversé la Turquie et la mer Égée à bord d’une embarcation pneumatique instable, puis toute l’Europe, sans jamais se sentir en sécurité, ni accueilli. Le voyage a duré des semaines. Nombre de personnes font la majeure partie du périple à pied, ce qui leur fait perdre beaucoup de poids. Azad réfléchit à son parcours et affirme que même avec la violence des policiers français, même avec la boue et le froid, la faim et les conditions insalubres, on est mieux ici qu’à Alep ou en Turquie. Si les combattants de l’État islamique m’attrapaient, ils me décapiteraient aussitôt, tout d’abord parce que je suis yézidi, mais aussi parce que je suis kurde.

Violence et insalubrité

À Calais, l’hostilité à l’encontre des réfugiés s’intensifie, les brutalités policières sont fréquentes et des bandes locales d’extrémistes de droite crèvent les pneus des bénévoles qui aident les réfugiés. Beaucoup de réfugiés rapportent qu’ils ont été passés à tabac par la police, mordus par des chiens policiers, battus par des chauffeurs routiers. Des infirmières bénévoles attestent soigner quotidiennement dans le camp des centaines de blessures récentes et rapportent des cas de gale et de maladies respiratoires qui sont difficiles à endiguer dans ces conditions de froid et de surpeuplement. Il n’y a pas de système de drainage. Ainsi, lorsqu’il pleut, le campement se transforme en mare de boue. Il n’y a pas de maisons. La plupart des gens vivent dans des tentes, sous des bâches ou dans de petits abris de bois. Il n’y a que peu de toilettes et quelques bornes-fontaines – qui n’ont été installées que quand Médecins sans frontières a remporté un procès contre l’État français, exigeant que celui-ci s’acquitte de son obligation d’assurer les services d’assainissement de base.

Sécuriser ou venir en aide

Le gouvernement britannique a dépensé sept millions de livres sterling pour la construction de clôtures et de palissades à Calais, afin de fermer aux réfugiés l’accès au port, qui se trouve à une heure et demie du port britannique de Douvres. Personne dans le campement ne peut travailler ; il n’y a pas de travail pour des réfugiés clandestins. Par conséquent, ils dépensent toutes les économies qu’ils ont apportées. Ceux qui n’en ont pas dépendent entièrement des dons. Dans la plupart des camps de réfugiés légaux, des logements et de la nourriture sont dispensés par les gouvernements, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés et des organisations non gouvernementales (ONG). Mais dans les campements illégaux comme la « jungle », la plupart des ONG n’apportent aucune aide, car cela aurait des conséquences sur les subventions qu’elles touchent des gouvernements. C’est pourquoi les réfugiés dépendent grandement des dons reçus du public par l’intermédiaire de groupes caritatifs non officiels et d’Églises.

* Le prénom d’Azad a été changé, à sa demande.