Vingt-cinq ans après l’accord de paix du Vendredi saint et dix ans après que le gouvernement nord-irlandais a demandé le démantèlement des murs de séparation, ceux-ci sont plus nombreux rapportent Les Échos. Celui situé au nord de Cupar Way est un portail haut de huit mètres. Une hauteur jugée insuffisante puisque du grillage le surmonte. Ce mur le plus symbolique de Belfast ouvre à 6 h et se referme à 22h30. En dehors de ce créneau, il est impossible de le franchir et de passer du quartier catholique de Falls Road au quartier protestant de Shankhill Road. “Ce sera le dernier à tomber : c’est le plus long, et celui qui est vraiment au cœur des deux communautés”, prédit Jonny Byrne, professeur de criminologie à l’Ulster University.

En Irlande du Nord, il reste encore quelque 80 murs comme celui-ci. Nommés “interfaces” ou “murs de la paix”, ils ont permis aux habitants de se barricader lorsque les “troubles” ont commencé. Puis, l’armée britannique a fait ériger ces barrières dans le but de contenir les violences. Ces installations étaient alors considérées comme provisoires. Pourtant, elles sont toujours là. 

Des écoles encore séparées

Pire, elles sont même plus nombreuses aujourd’hui à Belfast qu’il y a vingt-cinq ans, quand l’accord de paix du Vendredi saint a mis fin au conflit nord-irlandais. “Au début du processus de paix, nous pensions avoir notre ‘moment berlinois’, mais ça ne s’est pas passé ainsi. Avant les accords de 1998, ces murs servaient à éviter les attaques. Depuis, ils sont devenus un moyen de protéger les identités”, analyse le professeur.

Devenu animateur d’un centre intercommunautaire situé tout près de Cupar Way, Gordon McDade a été marqué par la construction de ces murs. Aujourd’hui, il constate que “la très grande majorité [des enfants] vont encore dans des écoles catholiques ou protestantes. C’est important qu’ils puissent se retrouver ici, jouer ensemble et nouer des amitiés”. S’il ne perd pas l’espoir de voir un jour les murs tomber, il sait que ce n’est pas pour tout de suite. “Mais nous en sommes loin. Parfois, nous disons que les murs sont encore dans nos têtes”, ajoute celui pour qui les murs rassurent les habitants des quartiers parmi les plus défavorisés d’Irlande du Nord. La criminalité y est particulièrement forte et le trafic de drogue comme des groupes paramilitaires encore actifs.

Un mur remplacé par une clôture

Président de l’International Fund for Ireland, une organisation chargée de promouvoir la paix Paddy, Harte rappelle que “80 % des meurtres durant les ‘troubles’ ont eu lieu à moins de 500 mètres de ces murs. C’est parce que la violence y était intense qu’ils ont été construits. La séparation religieuse s’est vraiment ancrée : les gens ne se parlaient pas, ne se voyaient pas, ne se rencontraient pas”. Si quelques murs ont été démolis depuis 2013, d’autres timides avancées sont observées. Au nord de Springfield Road, à l’ouest de Belfast, une grille a laissé sa place à une zone de 14 logements et à un centre d’échange entre communautés. Et au nord de la ville, un épais mur de briques a été remplacé par une clôture.