Certains veulent nous faire croire que pour échapper à l’angoisse de la mort, le mieux est d’y penser le moins possible. Je pense à l’inverse que la pensée – et même la méditation – de la mort nous renvoie à l’extraordinaire de la vie. 

Le philosophe Emil Cioran a souligné l’importance d’une lucidité sans complaisance : « À la moindre contrariété et, à plus forte raison, au moindre chagrin, il faut se précipiter au cimetière le plus proche, dispensateur soudain d’un calme qu’on chercherait vainement ailleurs. Un remède-miracle, pour une fois. » À ne jamais fréquenter les cimetières, nous prenons le risque de nous croire immortels, de vivre à la surface de nous-mêmes, alors que c’est dans l’essentiel que se trouvent les vrais enjeux de notre existence. 

En tant que pasteur, j’ai souvent été amené à me rendre dans des cimetières pour présider des inhumations. Après la cérémonie, j’ai toujours aimé prendre un moment pour me promener entre les tombes et lire les inscriptions en essayant d’imaginer les histoires qui se cachaient derrière les noms… une belle façon d’honorer et de célébrer la vie. 

Traditionnellement, les protestants fréquentent peu les cimetières, et ils ont tort. C’est un bon lieu pour déambuler, non pour rendre un quelconque culte aux morts, mais pour prendre conscience de la fragilité, donc du prix, de la vie… de chaque goutte de vie. Cela peut aussi nous aider à porter un autre regard sur l’actualité pour distinguer ce qui est vraiment important de ce qui est seulement bruyant.

Antoine Nouis, théologien, pour « L’œil de Réforme »

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