La destruction d’un barrage provoque un déluge d’eau qui apporte la dévastation sur les rives du fleuve Dniepr. Les vagues de la mort sont une image de cette guerre comme l’écrivait Kafka à la sortie de la Première Guerre mondiale : « La guerre, la révolution russe et la misère du monde entier m’apparaissent comme une sorte de déluge du mal. C’est une inondation. La guerre a ouvert les écluses du Mal. Les étais qui soutenaient l’existence humaine s’effondrent. » Après quinze mois de conflit, que pouvons-nous en dire ? Trois choses.
Le théoricien militaire Clausewitz disait qu’introduire un principe modérateur dans la philosophie de la guerre était une absurdité. La guerre est toujours sale et elle se répand comme une maladie contagieuse n’épargnant personne. Rappelons-nous que les généraux en 1914 pensaient que la guerre ne durerait que quelques mois. Elle s’est terminée quatre ans plus tard après des millions de morts et en laissant en héritage la grippe espagnole, qui a probablement fait plus de victimes que les combats militaires. Cette guerre a un caractère diabolique. Le propre du diabolique est que la logique du mal a une autorité qui l’emporte sur la logique de la raison.
La voie de la paix
Le risque qui nous menace est celui de l’habitude. Se relâcher dans notre indignation et dans notre prière pour la paix. Là encore, nous pouvons écouter les leçons de l’histoire. En 1937, le bombardement de Guernica a provoqué une indignation mondiale alors qu’il a fait quelques centaines de victimes. Quelques années plus tard, celui de Dresde et les deux bombes atomiques ont fait des dizaines, peut-être une centaine de milliers de morts chacun, mais ils ont été considérés comme le prix à payer pour l’écrasement de l’adversaire.
Il n’y a que deux façons de sortir d’une guerre. Soit par l’écrasement d’un des belligérants, soit par un compromis, qui peut être imposé par une autorité extérieure ou qui est le fruit de l’épuisement de l’attaquant. Plus les destructions s’accumulent et plus les chances d’un compromis s’amenuisent. Pourtant, il n’y a pas de paix souhaitable sans compromis. La seule chose que nous pouvons déjà dire, c’est que si une guerre s’évalue à la situation qu’elle laisse derrière elle, la Russie sera la grande perdante de ce conflit, tant sur le plan intérieur que dans ses relations internationales. Une leçon à méditer pour ceux qui seraient tentés de l’imiter.