Pendant presque dix-huit mois, en 2010 et 2011, les Belges ont vécu sans gouvernement. Et si les Nord-Irlandais égalaient ce record ? Alors que l’on célèbre mardi 10 avril les vingt ans de la signature de l’accord de Belfast, aussi appelé accord du Vendredi saint, l’Irlande du Nord est privée d’exécutif depuis le 16 janvier 2017. Le DUP, premier parti de la communauté unioniste protestante (qui souhaite le maintien de la région au sein du Royaume-Uni), et le Sinn Féin, principal parti de la communauté nationaliste catholique (dont l’objectif est la réunification de l’île d’Irlande), ne parviennent pas à surmonter leurs désaccords. Rien n’a donc changé ?

Lorsque l’accord de Belfast est signé le 10 avril 1998, il marque la fin d’une guerre civile ayant causé la mort de plus de 3 500 personnes. L’accord (voir l’encadré) instaure un partage du pouvoir entre unionistes et nationalistes. Vingt ans plus tard, son bilan est mitigé même si son objectif principal, la paix, a jusqu’ici tenu bon. « Par rapport aux années 1990, l’Irlande du Nord d’aujourd’hui est méconnaissable, rappelle Christophe Gillissen, professeur d’études irlandaises à l’université de Caen-Normandie. Avant l’accord, il y avait des postes de contrôle, des blindés dans les rues, le conflit était visible, tangible. Ces traces ont largement disparu. »

Divisions profondes

Pour le visiteur actuel, les casernes de police, de véritables forteresses, donnent une idée de l’ampleur des violences. Si ces dernières ont beaucoup diminué, les divisions au sein de la société restent profondes. Seuls 7 % des élèves nord-irlandais sont ainsi scolarisés dans des établissements « intercommunautaires », qui accueillent à parts à peu près égales catholiques et protestants. Les autres passeront parfois la totalité de leur parcours scolaire sans côtoyer le moindre jeune de l’autre communauté. Une division que l’on retrouve dans le sport : rares sont les jeunes protestants licenciés dans un club de football gaélique…

Il en va de même pour le logement social : 90 % des lotissements sociaux sont occupés exclusivement soit par des catholiques, soit par des protestants. Rien n’illustre mieux cette séparation spatiale que les « murs de la paix », ces barrières destinées à limiter les interactions entre les deux communautés, dans certains quartiers de Belfast notamment. « Le conflit est moins violent qu’auparavant, mais il est loin d’être terminé, résume Michael Doherty, médiateur interculturel basé à Derry. Nous ne sommes pas parvenus à nous extraire de cette mentalité qui nous empêche d’imaginer une […]