Une démarche chrétienne pionnière à ses débuts.
En 1968, en pleins Apartheid et guerre du Vietnam, des chrétiens s’inquiètent que les placements de leurs riches Églises ne viennent servir au développement des industries d’armement. Dans le même temps, des délégués d’Églises de pays du Sud de la planète au Conseil œcuménique des Églises (COE) – l’organisation qui rassemble les Églises chrétiennes non catholiques du monde entier – font savoir que leurs pays ont besoin de soutien pour développer leurs économies. Dans un souci d’équilibre, de partage et de justice, les initiateurs de ce qui deviendra Oïkocrédit se mettent alors au défi d’encourager les Églises à faire profiter leur épargne à des projets de développement des pays du Sud. La Société coopérative œcuménique de développement naît sept ans plus tard, sous l’égide du COE. Elle siège aux Pays-Bas.
L’initiative d’épargne solidaire repose sur des arguments religieux : « Quand dans un de tes villages que le Seigneur ton Dieu te donne, un de tes frères pauvres aura quand même besoin d’un prêt, ne refuse pas de lui tendre la main. Au contraire, ouvre ta main toute grande et prête-lui ce dont il a besoin » (Deutéronome 18, V. 7 et 8). Oïkocrédit ne veut pas donner aux nécessiteux mais plutôt rétablir les plus fragiles dans leurs capacités à prendre en main leur avenir en toute autonomie. Sur le terrain, l’organisme de crédit solidaire distribue ses prêts via des structures de microfinance de proximité, qui permettent aux petits acteurs économiques des territoires concernés d’avoir accès à des services financiers que les banques classiques ne leur accordent pas. Les prêts d’Oïkocrédit vont en grande partie à des projets d’agriculture vivrière et de plus en plus aussi à des projets de développement des énergies renouvelables qui garantissent l’indépendance énergétique des emprunteurs.
Une majorité de femmes
Aujourd’hui, l’organisation pèse plus d’un milliard d’euros de prêts de développement engagé de par le monde, dont la moitié provient d’Allemagne et un peu plus de 30 millions de France. À leur petite échelle, les épargnants du Grand Est pèsent près de 4 millions d’euros. Du particulier à la coopérative, plus de deux millions de petites entreprises sont ainsi aidées aujourd’hui, garantissant des revenus à 38 millions de personnes. Il s’agit d’une écrasante majorité de femmes de zones rurales en Afrique, en Asie et aux Caraïbes. Dans sa logique de responsabilisation, Oïkocrédit demande à ses bénéficiaires de payer un petit intérêt sur les fonds qu’ils empruntent, à échéance de leurs objectifs. Sur place, des correspondants locaux s’occupent de sélectionner et d’accompagner les projets sur les plans techniques et de gestion ainsi que de former les entrepreneurs pour développer leurs compétences.
Pour sécuriser les épargnants qui se lancent dans l’aventure, Oïkocrédit leur garantit des dividendes de 1% des sommes déposées, qui peuvent être récupérées à tout moment pour les petites sommes et dans des délais réglementés pour les plus grosses. Ce moyen de mettre du sens dans leurs dépôts financiers convainc aujourd’hui 67 000 investisseurs dans le monde dont 1900 en France. Parmi eux, de nombreux particuliers, mais aussi des paroisses, des associations, communautés religieuses et des Églises, dont l’Uepal et son service mission. Une partie d’entre eux cède même ses intérêts à Oïkocrédit, qui entretient un fond de réserve pour ne jamais être pris en défaut de rendre les sommes en cas de demande. En France, Oïkocrédit bénéficie aujourd’hui du label bancaire d’épargne solidaire reconnu Finansol et fait partie des possibilités d’épargne salariale. Mais l’organisme subit depuis plusieurs années une baisse de participation. Pionnier à sa fondation, il figure désormais dans un très large panel de choix d’épargne solidaire. Au fur et à mesure des décès de ses épargnants particuliers historiques, Oïkocrédit peine à renouveler les générations.