Le prix Nobel de la paix attribué doublement au pasteur et gynécoloque congolais Denis Mukwege et à une Yézidie, ex-esclave sexuelle de Daech, Nadia Murad a marqué les esprits. Il faut dire, qu’en plus, certaines rumeurs circulaient laissant entendre des noms possibles pour le prix qui pouvaient laissent extrêmement dubitatif.
Je ne suis pas de ceux qui connaissent personnellement le docteur Mukwege… pas de selfie avec lui (pour le moment J). Mais, en suivant son parcours grâce à plusieurs articles, reportages et surtout le très beau film réalisé par Thierry Michel et Colette Braeckman « L’homme qui répare les femmes », j’ai pu me laisser toucher, interpeller, par son engagement déterminé pour ne pas se débiner de l’enfer qui l’entoure dans l’est de la République Démocratique du Congo. D’y rester, malgré l’éloignement avec les siens, malgré le danger, malgré tout. Là-bas, c’est la guerre entre pays voisins, guerre civile, guerre ethnique. Depuis la fin des années 1990, il a vu crier les armes et tomber les hommes dans cette zone dantesque où les batailles, selon son propre aveu, se passaient sur le corps des femmes. Son objectif, porté par une foi en Jésus-Christ inébranlable : Briser la mécanique du viol, qu’il considère comme « une stratégie de guerre bon marché », et réparer les victimes, ces (morts) vivants.
À ses côtés dans l’attribution du prix Nobel, Nadia Murad, née en 1993 à Kocho, village dans le nord-ouest du Kurdistan irakien, au pied des monts Sinjar. Au printemps 2014, Mossoul, à 130 kilomètres de son village, tombe entre les mains de Daech. Le 3 août de la même année, les pick-up de l’État Islamique pénètrent dans son village. Commence alors un chemin vers l’horreur absolue pour elle et les autres filles… « À un moment, le viol s’est mis à occuper toute ma vie. Cela devient votre quotidien. Vous ne savez pas qui sera le prochain à ouvrir la porte, vous savez seulement que ça arrivera et que ça sera peut-être encore pire le lendemain… » raconte-t-elle. Elle parviendra un jour pourtant à s’enfuir, à Mossoul, comme par « miracle »… Elle, qui avait tant voulu mourir, s’accroche à la vie. Et vivre, c’est fuir. Dans cette ville inconnue, le verrou reste ouvert à la sortie d’un des hommes « de passage »… elle aperçoit une maison qui lui rappelle celles de son village. Elle frappe à la porte. « Que la paix soit dans ton cœur », lui répond l’homme. Il s’appelle Hisham. Il la cachera chez une de ses filles et cela marquera le début de son retour à la vie et d’un nouveau combat. Aujourd’hui, Nadia considère en effet que « Mon histoire […] est l’arme la plus efficace dont je dispose pour lutter contre le terrorisme, et j’ai bien l’intention de m’en servir. »
En cette année 2018 marquée aussi par le souvenir du pasteur Martin Luther King, assassiné il y a 50 ans le 4 août à Memphis, ces histoires, ces parcours de vie prennent sans doute une résonnance particulière. Encore plus, en ce 14 octobre, puisqu’il y a 54 ans précisément aujourd’hui, le révérend King recevait lui-aussi le Nobel de la paix. « Nous avons besoin de nouveaux MLK » entend-on souvent. Mais peut-être les avons-nous autour de nous sans nous en rendre compte… et ils sont plus nombreux qu’on ne le pense. Mais, ces « héros » marqués par le courage, des valeurs humaines, la soif de vivre, et souvent bien sûr par la foi, nous disent aussi que nous pouvons TOUS l’être, le devenir à notre niveau, en fonction de nos capacités, dans nos zones d’influence petites ou grandes, qu’importe… Chacun de nos sourires, chaque main tendue, chaque geste d’amour, chaque parole bienfaisante, chaque engagement pour notre prochain participe à la manifestation de la Bonne Nouvelle dans notre monde. Plutôt qu’attendre que ne vienne un nouveau Messie… levons-nous et aimons ! Si nous avons peut-être su écrire #JESUISCHARLIE #JESUISPARIS en réaction émotionnelle et touchée par l’abjecte mal… peut-être aussi pourrions-nous, à plus forte raison encore, nous dire et surtout vivre (plus que l’écrire simplement) #JESUISMLK #JESUISMUKWEGE #JESUISMURAD #JESUISENFANTDEDIEU. Et c’est un défi jour après jour qui s’offre à nous.
En ce dimanche 14 octobre 2018, où beaucoup de communautés chrétiennes parleront de justice généreuse au-travers d’un « Culte Michée » (Michée est un mouvement mondial de chrétiens qui demandent à leurs gouvernements de tenir la promesse de diminuer l’extrême pauvreté) et en perspective du 17 octobre, journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, je conclurai ce billet en rappelant ce qui est sans doute à mes yeux l’un des versets les plus simples et les plus engageants, mais aussi une vraie clé de l’existence offerte à l’humain par la Bible… et Dieu lui-même :
« Le Seigneur te fait savoir ce qui est bien. Voici ce qu’il demande à tout être humain : faire ce qui est juste, aimer agir avec bonté et marcher avec son Dieu dans la simplicité. » Michée 6.8