Dans quelques jours, après avoir été adoptée par l’Assemblée nationale, une proposition de loi Attal sera examinée par le Sénat. Elle rompt brutalement avec les principes directeurs du droit pénal des mineurs énoncés dans le tout récent code de la justice pénale des mineurs. Elle dévaste le droit des mineurs interne et bafoue la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Il y aurait toujours plus de mineurs délinquants, dit-on. Ils seraient de plus en plus jeunes, il faudrait être plus répressif et renoncer à un droit pénal des enfants spécifique. Ce discours populiste, erroné sur le plan scientifique, n’est pas nouveau. Le juriste Émile Garçon écrivait en 1922 : « Quoi qu’il en soit, le problème de l’enfance coupable demeure l’un des problèmes les plus douloureux de l’heure présente. Les statistiques les plus sûres comme les observations les plus faciles prouvent, d’une part, que la criminalité juvénile s’accroît dans des proportions fort inquiétantes, et d’autre part, que l’âge moyen de la criminalité s’abaisse selon une courbe très rapide ». Ce populisme n’est jamais loin et resurgit régulièrement.
La proposition de loi Attal, plutôt que de préconiser de donner les moyens nécessaires à la justice des mineurs pour accélérer la mise en œuvre des sanctions éducatives, fait un autre choix. Elle choisit de faciliter le retrait de l’excuse de minorité et d’autoriser la comparution immédiate d’un enfant devant un tribunal. Ce mineur, peut-être une victime invisibilisée avant d’être un délinquant, serait jugé sans dossier sur son histoire et sans mesures éducatives. Et si cet enfant en conflit avec la loi était votre enfant, souhaiteriez-vous qu’il soit ainsi jugé et condamné comme un adulte ? Ne le souhaitez pas pour les enfants des autres.
Christine Lazerges, professeure de droit pénal, pour « L’œil de Réforme »