Parisienne d’adoption, j’ai toujours été fascinée par l’effervescence de la ville-lumière, en particulier ses artères commerçantes dans lesquelles je me suis si souvent baladée, pour faire du shopping ou juste pour flâner, le nez au vent. Les vitrines des magasins de luxe, comme les boutiques plus accessibles participaient à cette animation urbaine qui m’a toujours enchantée, au cœur d’une ville-musée que l’on parcourt en allant d’un monument à un pont remarquable en quelques pas. Mais ça, c’était avant.

Il y a quelques jours, me promenant autour de l’Opéra, des Grands Magasins, puis à Saint-Germain-des Prés, j’ai réalisé que ces quartiers – que je connaissais bien – avaient profondément changé. Je ne vais pas ajouter au concert de ceux qui déplorent les travaux dans Paris – même si, il faut reconnaître que l’on zigzague entre barrières, panneaux et fouilles à ciel ouvert. Ce qui m’a surpris, c’est de découvrir que certaines grandes enseignes historiques que je fréquentais ont tiré le rideau, que d’autres boutiques plus modestes sont définitivement fermées, et que, ça et là, les vitrines prennent la poussière, tout comme les façades recouvertes d’affiches déchirées se multiplient.  

Le même phénomène s’observe dans la plupart des centres commerçants des villes de grande ou moyenne taille.

La désertification est en marche

Il est évident que la crise du COVID, et, avant elle, celle des gilets jaunes et les manifestations dans Paris ou certaines grandes agglomérations, ont poussé nombre de commerces à la faillite, confrontés à trop de charges – et pas assez de clients pour survivre. Dans le même temps, l’explosion du commerce en ligne a conquis les consommateurs exigeants et pressés que nous sommes. Comparer les prix, avoir accès à un large choix se fait désormais en quelques minutes. La livraison elle-même se compte en heures, quand avant il fallait se déplacer d’un quartier à l’autre – avec le risque parfois de rentrer bredouille.

Nos élus locaux et leurs politiques urbaines n’y sont pas non plus étrangers. Ils ont réduit la capacité de stationnement, fixé des tarifs quasiment prohibitifs  et évincé de plus en plus les véhicules motorisés des centres-villes. Les avenues piétonnisés ont remplacé les voies encombrées de voitures. Quand on a la chance de bénéficier de transports collectifs fournis, c’est incontestablement un grand bénéfice pour les piétons. Mais quand ça n’est pas le cas, comme dans les villes de moyenne et petite taille, cela a poussé les consommateurs vers les centres commerciaux et supermarchés situés en périphérie, et dotés de parkings gratuits et nombreux – au détriment d’un commerce local traditionnel.

Mais les centres villes qui étaient si animés sont désormais colonisés par deux autres transformations, qui accélèrent leur perte d’attractivité.

Certaines boutiques sont remplacées par des dark stores, des points de collectes où l’on vient chercher ce que l’on a commandé. Contrairement aux magasins traditionnels, les dark stores ne sont pas destinés à être des espaces de vente physiques où les clients peuvent parcourir les rayons et choisir eux-mêmes parmi une sélection de produits. Ils ont un personnel réduit et un aménagement sobre, souvent sans âme. Ils côtoient parfois des boutiques éphémères, qui ouvrent pendant quelques semaines pour une vente précise – souvent de produits d’assez bas de gamme dont le seul intérêt affiché est le prix. Sur certaines avenues, ce sont plusieurs dark stores d’enseignes différentes, dark kitchens ou pop-up stores qui se succèdent, cassant littéralement l’ambiance du lieu.

Et, de plus en plus, les restaurants rapides ou traditionnels appuient une grande partie de leur activité sur la vente à emporter, avec des repas collectés par des coursiers en deux roues. Ces derniers forment désormais des grappes devant ces enseignes, attendant leur commande en discutant ou fumant, avant de démarrer en trombe pour se faufiler entre les voitures et les piétons, pour livrer au plus vite. Le voisinage se plaint de plus en plus de ces nuisances sonores d’un nouveau type.

Les habitants s’en vont

Les loyers des logements en centre-ville restant relativement élevés, la population résidente diminue elle aussi. Les habitants désertent ces quartiers qui perdent beaucoup de leur charme et de leur intérêt. Moins dynamiques et moins fréquentés, leur déclin paraît inéluctable.

Les centres de nos villes ont souvent une histoire, un patrimoine architectural ou culturel autour duquel des activités économiques se sont construites. En les laissant péricliter, c’est une partie de l’âme de nos villes qui disparaît.

Certains centres-villes parviennent pourtant à se réinventer. Là, une municipalité va désigner un manager de centre-ville, chargé de démarcher des enseignes avec des produits ou services de qualité. Ailleurs, commerçants et associations se regroupent pour offrir une expérience unique, en valorisant la culture locale, en favorisant les activités artistiques ou des événements susceptibles d’attirer petits et grands. Redonner des couleurs à nos centres-villes est encore possible !