Largement amendé, le projet de loi immigration a été voté par le Sénat, majoritairement à droite, mardi 14 novembre. Il sera une nouvelle fois soumis aux députés à partir du 11 décembre, avant de repasser devant les sénateurs, rappelle franceinfo. Quelles sont les mesures ajoutées qui durcissent le texte ?
Aide médicale de l’État (AME)
D’un côté, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, affirmait sur France Inter que l’AME ne sera pas supprimée. De l’autre, quelques heures après sa déclaration, les sénateurs son abandon. Le dispositif financé par l’État est réservé aux étrangers en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois. Il leur accorde une prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers. Le week-end dernier, la perspective de la suppression de l’AME a été à l’origine d’une tribune signée par 3 500 médecins qui s’engagent à désobéir, le serment d’Hippocrate les obligeant à soigner tout le monde, sans exception. À la place de l’AME, les sénateurs ont opté pour la création d’une aide médicale d’urgence. Elle se concentre sur les maladies graves, les soins liés à la grossesse, les vaccins et la médecine préventive.
La perception des allocations
Les étrangers en situation régulière devront désormais attendre cinq ans pour toucher certaines allocations. Actuellement, six mois suffisent à bénéficier de l’aide personnalisée au logement (APL) ou des allocations familiales.
Les régularisations dans les métiers en tension
L’article 3 du texte initial, qui proposait de régulariser de “plein droit” les personnes en situation irrégulière travaillant dans des “métiers en tension”, a disparu du projet de loi immigration voté en première lecture par le Sénat. Les sénateurs n’avaient pas caché leur hostilité à ce sujet. Ils ont obtenu son remplacement par un article 4 bis, prévoyant que les travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension puissent obtenir un titre de séjour d’un an de façon “exceptionnelle”. La demande pourra être directement déposée à la préfecture par le travailleur, avec ou sans l’accord de son employeur.
Expulsion des étrangers dangereux
À propos de l’expulsion des personnes étrangères condamnées et sous obligation de quitter le territoire (OQTF), le texte porté par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, prévoyait la suppression de la majorité des protections contre l’expulsion qui couvrent certains immigrés, notamment ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou ceux présents sur le territoire depuis plus de vingt ans. Un amendement, déposé par le gouvernement, prévoit désormais que les auteurs d’une “violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République” pourront également être expulsés. Une mesure ajoutée à la suite de l’attentat d’Arras, en octobre dernier.
Demande d’asile
Le gouvernement souhaite d’un côté accélérer les procédures de demande d’asile et expulser plus vite les personnes sous OQTF. Le projet de loi voté par les sénateurs promeut la création de guichets “France Asile” dans les préfectures. Ils permettront aux demandeurs d’asile de réaliser leurs démarches. Parallèlement à ce point, les sénateurs ont voté un amendement permettant de délivrer une OQTF dès le rejet d’une première demande d’asile. Ils ont également drastiquement réduit le nombre de procédures permettant de contester une expulsion.
Délivrance d’un titre de séjour
Le projet de loi souhaite conditionner la délivrance d’un titre de séjour au respect “des principes de la République”. Pour éviter une censure du Conseil constitutionnel, le gouvernement définit ces principes comme “la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution”.
Droit du sol et rassemblement familial
L’automaticité du droit du sol a été supprimée. Actuellement, les enfants nés en France de parents étrangers obtiennent automatiquement la nationalité française à 18 ans. Si le projet est validé, ils devront “manifester [leur] volonté” de devenir Français. Le Sénat a également limité les possibilités de regroupement familial pour les personnes étrangères. Pour pouvoir faire une demande, il faudra être présent sur le territoire depuis 24 mois, au lieu de 18 mois, et les conditions de ressources seront plus exigeantes.
Sans-papiers victimes de marchands de sommeil
Cette mesure est la seule soutenue par les sénateurs de gauche. Le Sénat a adopté un amendement proposant l’accord d’un titre de séjour aux sans-papiers victimes de marchands de sommeil, après un dépôt de plainte. Une proposition qui a reçu un avis favorable de la part du ministre de l’Intérieur.