La récente réforme des retraites et une actualité syndicale mouvementée ont permis de mettre en avant certaines figures du syndicalisme. Sophie Binet a été nommée à la tête de la CGT le 31 mars 2023, tandis que Laurent Berger quittera ses fonctions de secrétaire général de la CFDT mercredi 21 juin. Tous deux ont en commun d’avoir reçu une formation dans des mouvements chrétiens, avant de devenir les leaders sociaux que nous connaissons.

À la CGT, où la religion n’est pas toujours bien perçue, Sophie Binet ne renie pas son ancien engagement dans la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Sans être croyante, elle a commencé son engagement militant à 15 ans dans l’organisation issue du christianisme social, comme l’explique La Vie.

À l’époque, la JOC entame la fin de son âge d’or et bénéficie d’un important ancrage territorial. Elle organise des projets de lutte sociale avec les jeunes, souvent issus des milieux populaires. Cette forme d’engagement séduit Sophie Binet, qui entre ensuite à la CGT avant de devenir la première femme secrétaire générale du syndicat.

L’engagement militant à la JOC

Laurent Berger s’engage lui aussi à la JOC, dans sa jeunesse, pour faire ses premières armes militantes. « En Loire-Atlantique, passer à la JOC, c’est presque aussi naturel pour les jeunes que d’aller supporter le FC Nantes », écrit Laurent Berger dans son livre Permis de construire : nous vivrons ce que nous changerons (Éditions Tallandier, 2015), comme le rapporte Ouest-France.

D’autres personnalités du monde politique et associatif ont été formées à la JOC. On peut citer, par exemple, l’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, ou l’ancienne députée EELV Cécile Duflot, aujourd’hui directrice de l’ONG Oxfam.

Un autre mouvement moins populaire, la Jeunesse étudiante chrétienne, a lancé la carrière d’hommes politiques comme l’ancien ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ou le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, nous apprend La Vie. Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), très implanté dans les campagnes, a même façonné l’engagement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, du député socialiste Dominique Potier ou de la députée de La France insoumise Mathilde Hignet.

Des mouvements en perte de vitesse

Ces mouvements étaient autrefois très dynamiques mais le nombre de leurs adhérents ne cesse de baisser au fil des années, en raison de la déchristianisation de la société. Un virage plus individualiste dans les années 1970 a aussi fait chuter le nombre d’adhérents dans une bonne partie des syndicats. Mais l’Église a aussi pris ses distances avec ces mouvements, jugés trop orientés politiquement. Alors que la JOC comptait plusieurs dizaines de milliers d’adhérents à la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle n’en a aujourd’hui plus que 6 000.

Au sein de ces différents mouvements, les jeunes continuent pourtant d’exercer des responsabilités très tôt et sont invités à participer à la vie démocratique des organisations. Le message est simple : il faut s’intéresser aux droits des travailleurs parce que la lutte contre les inégalités fait partie de l’Évangile.

Aujourd’hui, de nombreux jocistes choisissent de poursuivre leur engagement à petite échelle, dans le milieu ouvrier ou les mairies et les associations locales, pour être proches des couches les plus populaires. Une bonne partie d’entre eux se retrouvent ensuite au sein du PC, d’EELV, au PS ou dans les syndicats, pour défendre les valeurs issues du christianisme social.