En nommant Gabriel Attal Premier ministre, le président de la République cherche à profiter de la popularité que cet homme encore jeune a su acquérir en tant que ministre de l’Education nationale. Fermeté des intentions, clarté d’expression, cohérence, on peut dire que Gabriel Attal a réussi à incarner une politique – par ailleurs, comme il est normal en démocratie, contestable et contestée. Mais cela suffira-t-il ? Un retour au peuple n’aurait-il pas été plus efficace ?

Quid de l’hypothèse dissolution ?

« Il est vrai que la seule façon de trancher le nœud gordien qui serre notre vie politique consisterait à dissoudre l’Assemblée nationale, admet Bruno Cautrès, chercheur au Centre de Recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), pour qui  le choix du remaniement tient, chez le Président, du Pascal, ou de la promesse que l’on se fait à soi-même. Emmanuel Macron tirerait la leçon du fait qu’un changement de Premier ministre ne lui donnerait pas plus de majorité au Parlement qu’il n’en dispose aujourd’hui. Mais pareil scénario serait très coûteux, sur un plan symbolique et sur un plan politique. D’une part, il signifierait que le chef de l’Etat remet en question la volonté populaire telle qu’elle s’est exprimée, voici moins de deux ans, lors des élections législatives. D’autre part, et cet argument rejoint le précédent, toute dissolution réclame une explication simple qui puisse être acceptée par l’opinion. »

L’opinion en toile de fond

On comprend pourquoi l’hypothèse d’une dissolution paraît très improbable. Mais n’allons pas croire qu’un changement de Premier ministre aille de soi pour autant. Pour mener à bien pareille opération, il faut avoir, là encore, un argument compréhensible et acceptable par l’opinion. « La nomination de Jean Castex en remplacement d’Edouard Philippe en est le modèle, observe Bruno Cautrès. La lutte contre la COVID imposait d’impliquer les territoires et la personnalité du maire de Prades correspondait à cette nouvelle orientation. Cette fois-ci, on voit mal ce qui justifie le départ d’Elisabeth Borne : soit elle était incapable de résoudre le manque de majorité à l’Assemblée, mais alors, pourquoi l’avoir maintenue depuis un an et demi, soit elle était épuisée, mais alors, il faut admettre que le changement de Premier ministre ne garantit pas l’obtention, par le pouvoir exécutif, d’une majorité. »

Dans ces conditions, donner un nouveau visage à la même politique a-t-il une chance de redonner de la puissance ou de l’élan au Président ?

Rien n’est moins assuré. Le nom des ministres réservera sans doute quelques surprises. « Mais quels que soient les choix qui seront faits, note Bruno Cautrès, les échéances électorales qui s’annoncent ne sont pas de tout repos. » Demain comme aujourd’hui, le Président restera en première ligne.