Chose promise, chose due : j’écris l’article prévu. J’avais parié avec un ami plus optimiste que moi, au moment de la dissolution, une bière, en fonction du résultat : il est venu chez moi et nous avons trinqué avec une joie non dissimulée.

Il est difficile pour l’heure d’interpréter précisément les résultats. En tout cas, le front républicain a suffisamment fonctionné pour les rendre possibles. Il faut, ici, remercier Gabriel Attal qui a clairement mouillé sa chemise pour convaincre un par un les députés de son groupe arrivés en troisième position, de se désister. Mais le plus significatif est que les électeurs ont suivi. Beaucoup se sont fait violence pour voter pour un candidat qui ne les inspirait pas vraiment. Et c’est là que j’imaginais qu’il y aurait davantage de fuites. Les électeurs de gauche dans leur majorité ont voté deux fois pour Emmanuel Macron au deuxième tour. Ils n’avaient pas forcément envie de réitérer l’exercice. Et les électeurs de droite ont sans doute balancé entre l’abstention, le vote pour l’extrême droite et un candidat de gauche. Mais, au total, il y a eu un rejet net du projet dangereux du Rassemblement national. Et je n’exclus même pas que le RN ait aussi perdu des voix entre les deux tours : les boulettes se sont accumulées, des militaires russes ont affiché leur soutien et plusieurs candidats ont fui les débats.

Cette séquence laissera des traces

A court terme c’est un sursis, mais cette campagne électorale, où les nerfs ont été à vif pendant quatre semaines, laissera des traces profondes dans la société française. Il a fallu une mobilisation maximum pour faire barrage à un basculement, rendu possible par le scrutin majoritaire à deux tours. Cette mobilisation se reproduira-t-elle à l’avenir? On verra.

Il reste, en tout cas, à gouverner et on ne voit pas bien comment des projets d’envergure vont pouvoir voir le jour. Une partie du problème est de l’arithmétique. Il est trop tôt pour faire des comptes exacts. Mais, surtout, je n’imagine pas bien, pour prendre un exemple, Horizon et les écologistes coopérer autour d’un projet partagé.

Il y aura, sans doute, de longues semaines de tractations pour un résultat qui, au jour d’aujourd’hui, est difficile à définir.

Bilan de quatre semaines de tensions et d’incertitude

C’est un autre ami, non chrétien, qui me donne les mots pour mettre en perspective l’enjeu spirituel de ce moment. Il a répondu à une personne protestante, sans doute décidée à voter pour le RN, qui avait réagi à mon article « le fascisme va passer ». Je cite sa réponse : « Je ne suis pas chrétien mais je suis un compagnon de route des chrétiens humanistes. Je me représente la chrétienté comme une force d’apaisement des esprits pour construire un monde commun. Cette assimilation entre immigration et désordre et la confusion entre ordre et autorité ne va pas en ce sens. L’ordre dans les esprits ne peut relever de la contrainte extérieure ».

Une force d’apaisement des esprits pour construire un monde commun : oui, je l’appelle de mes vœux. Le christianisme est minoritaire et, dans une société laïque, il n’a aucun leadership à revendiquer. C’est une situation qui me convient parfaitement. Mais ce qu’il peut apporter c’est justement l’exemple d’un dépassement des tensions, des frustrations, des égoïsmes, qui nous sollicitent au jour le jour. Il ne l’apporte, hélas, pas forcément.

J’ai repensé, ces derniers jours, à ce que j’ai écrit, l’été 2022, sur les Béatitudes, dans ce blog, et au livre qui s’en est suivi. Oui, le Christ nous propose une vie heureuse qui commence par l’esprit de pauvreté, la douceur, la recherche de la justice, la fabrique de la paix. Ces béatitudes sont au pluriel. Elles évoquent tous les groupes qui décident de prendre ces directions au sérieux. Et si nous nous en détournons, collectivement, il n’y a que le malheur qui nous attend.