Pour un doctorant à la Faculté de théologie de l’Université de Genève, le sujet a de quoi surprendre! C’est pourtant bien dans le cadre de ses travaux portant sur les enjeux éthiques soulevés par l’intelligence artificielle, menés dans une perspective théologique, qu’Ezekiel Kwetchi Takam s’est intéressé à la question de la «robotsexualité». Comprenez par-là, «cette forme de sexualité dans laquelle l’attirance est dirigée vers une entité robotique humanoïde». Rencontre.
Vous travaillez sur la robotsexualité. Cette pratique existe-t-elle vraiment, en dehors de quelques cas rarissimes ?
Si l’industrie des sexbots (robots sexuels) affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 200,7 millions de dollars, représentant 56 000 sexbots vendus chaque année, c’est bien parce qu’il y a une demande de la part d’une population pratiquante. Cette pratique existe donc vraiment, même si sa revendication sociale bénéficie d’une très faible résonnance.
Comment comprendre cet intérêt ?
Le bouleversement du rapport des genres l’explique en partie. La combinaison entre la vague féministe des années 1960 (caractérisée par une forte libération des corps et une révolution sexuelle féminine) et le développement des savoirs numériques et technologiques à la même période, a contribué à définir une culture au sein de laquelle les hommes tendent à n’être qu’une option – parmi d’autres – pouvant garantir la satisfaction du désir féminin. Pour preuve, la forte production des sextoys technologiques majoritairement destinés à un public féminin (le marché est aujourd’hui estimé à 30 milliards de dollars).
Du sextoy au sexbot, il y a encore un pas…
Justement, j’y viens. En conséquence, les hommes – victimes d’une auto-injonction de performance sexuelle et n’occupant plus, au sein du monde de la sexualité, la position dominante que leur procurait leur prétendue autorité patriarcale – se réfugient dans […]