Ce serait, selon 20 minutes, « une porte d’entrée vers l’enfer de la dépendance ». Or, quelque 10 millions de Français ont reçu au moins une prescription d’opioïdes antalgiques en 2015. 14 millions de boîtes de tramadol ont été vendues en 2020. Même tollé lorsqu’on aborde le paracétamol, dont 538 millions de boîtes ont été vendues en 2023. La consommation d’antalgiques a pourtant diminué en France, mais le patient et son prescripteur sont montrés du doigt, comme si un malade dégustait ses pilules comme des Cachous Lajaunie.
On connaît le proverbe chinois de la lune, du doigt et du fou. Si 10 millions de Français consomment des opioïdes, c’est parce qu’ils ont des douleurs insoutenables. Tel est le problème et le seul. La douleur est un handicap majeur. L’auteur de ces lignes ne pourrait taper sur son clavier s’il n’était pas sous traitement. La question médicale – et politique – est de mieux traiter la douleur et de faire en sorte de la prévenir, comme le font les Centres de la Douleur, bien trop rares.
Il en est de même pour les antidépresseurs. 4,2 millions de Français se sont vu prescrire des antidépresseurs en 2019 : ils sont ostracisés comme des consommateurs impulsifs, alors que ce sont des personnes en souffrance et parfois en grande souffrance. Ce qui interroge la pénurie de psychiatres, la rareté et la cherté des psychologues, et la déshérence de notre système psychiatrique.
Nos contemporains souffrent de la douleur, du stress et de l’angoisse, et ils n’ont en face d’eux, les bons jours, qu’un généraliste qui leur consacre 10 minutes pour alléger leurs peines. On peut faire mieux en s’attaquant d’abord au mal vivre.
Christian Apothéloz, journaliste, pour « L’œil de Réforme »