1944-45. L’Europe et le monde entier se réveillent après l’horreur absolue. Une guerre devenue mondiale, des bombardements massifs tuant des millions de civils, deux bombes atomiques… et la Shoah. La peste nazie est passée par là, ne laissant que larmes et sang. Comment vivre, comment revivre ?

1945 : début de la reconstruction des liens

Il faudra le courage de beaucoup pour que la haine, l’esprit de vengeance, plus que légitimes du point de vue affectif, laissent la place à une forme de reconstruction patiente et résolue. Citons par exemple le grand théologien Karl Barth qui, dès 1945, ose réclamer aux peuples vainqueurs face à l’Allemagne l’effroi, la sympathie et le respect (sympathie étant à considérer dans son sens étymologique de souffrir avec). Ce sera le début de la dénazification. Mais d’un point de vue religieux, que dire ? Comment repenser Dieu pour panser les êtres humains ?

Certes, l’histoire chrétienne est marquée, à de nombreuses reprises, par des vagues antisémites. Mais là, c’est le point absolu, c’est la mort programmée, industrialisée, organisée jusque dans ses moindres détails, portée par une « haine du juif ». Après cette horreur, l’être humain n’a plus droit de haïr. Désormais, son devoir humain et spirituel est l’amitié. C’est sur cette base-là que chrétiens et juifs, en France comme ailleurs, veulent retrouver, de manière prophétique, le fil de cette indéfectible fraternité qui doit nous relier. En 1948, appuyée par les Églises chrétiennes et par le judaïsme, est donc créée l’AJCF. Dans ses statuts, elle affirme qu’elle a pour tâche essentielle de faire en sorte qu’entre judaïsme et christianisme, la connaissance, la compréhension, le respect et l’amitié se substituent aux malentendus séculaires et aux traditions d’hostilité. Elle œuvre non seulement pour que soit éradiqué l’antijudaïsme ancestral, mais aussi pour que juifs et chrétiens aident, par une présence civique et spirituelle, la société moderne à s’orienter.

1948-2018 : 70 ans d’histoire, et de grands chantiers encore à venir

70 ans après, que de chemin parcouru, que de travail de connaissance mutuelle accompli, tant au niveau des institutions que des personnes ! Et c’est là sans doute l’essentiel : on ne peut plus dire que chrétiens et juifs s’ignorent. Désormais, ils se connaissent. Malheureusement, cela n’empêche pas de voir resurgir la bête de l’antisémitisme, sous de nouvelles formes. Les arrière-boutiques d’une extrême droite nauséabonde n’ont plus le monopole de cette haine. Alors que faire ? L’UNESCO, très récemment, précisément sur ce sujet, appelait à développer tous les outils pédagogiques pour favoriser la connaissance, seul rempart contre l’imbécile haine.

Le temps fort de cet anniversaire sera une table ronde rassemblant le Grand rabbin Haïm Korsia, Grand rabbin de France, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France et Mgr Emmanuel, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, chacun représentant une communauté fondatrice de l’AJCF. Ce temps sera animé par la pasteure Florence Taubmann, présidente d’honneur. Et puisque l’amitié et la connaissance de l’autre, de sa culture, passent aussi par l’art, langage diversifié et universel en même temps, des temps de musique sont prévus, animés par deux chorales, l’une juive, l’autre chrétienne (celle de la paroisse des Batignolles), qui chanteront leurs répertoires et finiront par un chant commun. Une harmonie des voix et des notes pour dire ce qui les relie, comme un témoignage prophétique pour le monde !