Celui qui regarde un match de football « en direct » oublie le lourd appareillage technique qui rend la retransmission possible. De plus, les commentaires des journalistes s’interposent entre le jeu et le téléspectateur. Les déclarations que font les joueurs à la fin du match sont, également, formatées (il suffit de voir ce qui se passe quand l’un d’eux se laisse aller à un écart de langage).

Le paradoxe est que c’est l’usage de moyens de communication lourds qui donne cette impression d’immédiateté. Et cela ne vaut pas que pour la télévision. J’ai entendu, une fois, une personne haut placée dans la hiérarchie se plaindre que le e-mail permettait à n’importe qui d’écrire à n’importe qui d’autre et d’engager, ainsi, implicitement, l’avis d’un service auquel il appartient, mais qu’il n’est pas chargé de représenter officiellement. J’ai trouvé, à l’époque, ce point de vue assez conservateur. Je le pense toujours, mais il est vrai que le e-mail a tendance à rendre la personne à qui l’on s’adresse, abstraite. On oublie certains enjeux et certaines réalités. On pense s’adresser directement à la personne mais, en fait, on est loin d’elle.

Et voilà comment, sur les réseaux sociaux, on se laisse facilement aller aux invectives, aux injures et aux dialogues de sourds.

Quand on se trouve face à un interlocuteur physique, les choses prennent une autre tournure. Nous sommes des êtres de chair et de sang, que nous le voulions ou non, et l’incarnation des nos relations reste essentielle.

L’incarnation de Dieu est, à ce propos, bien plus qu’une analogie hâtive. La plupart des religions ont conçu un dieu distant. Et le créateur nous dépasse, assurément. Mais il a voulu nous rencontrer face à face, avec tous les risques que cela comportait. Et on peut en voir très simplement les effets, par comparaison. Un lecteur du Nouveau Testament verra facilement, par exemple, que, lorsque l’apôtre Paul écrit à des interlocuteurs qui sont loin de lui, il est privé d’une part importante de ce qui fait une relation vivante. Entre les évangiles, qui racontent des faces à faces, et les épîtres qui travaillent sur la distance, il y a des différences de forme et de ton importantes.

Que nous puissions échanger facilement avec des personnes éloignées de nous est certainement une commodité. Mais la confusion entre un échange direct et un échange à distance est dangereuse. Nous ne pouvons rejoindre l’autre que si nous sommes prêts, à l’occasion, à nous tenir devant lui et à percevoir ses réactions dans toute leur richesse et leur diversité.

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